Intérêt général : A la croisée des chemins !

Qui aurait pu imaginer que le 12ème dossier sur les modèles socio-économiques d’intérêt général arriverait autant à propos ? Lorsqu’en janvier fut décidé de le cibler sur la territorialisation des transitions, ni le rapport du CESE sur le financement associatif, ni la situation politique française n’étaient encore à ce point au cœur de nos défis en « Commun(s) ». Comme l’indique le titre de ce 12ème état des lieux annuel, nous sommes à la croisée des chemins : « ruissellement » ou « enracinement », tel est le choix de pilotage de l’intérêt général aujourd’hui !

Publié en décembre dernier avec l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts, le cahier de recherche « ODD 17 : Economie(s) et Territoire(s) » pose clairement les enjeux de la réussite de la transformation systémique que nous vivons : la territorialisation des transitions est devenue une condition sine qua non pour relever les défis en « Commun(s) ». Elle contribue à assurer à la fois la cohérence des actions, la (ré)conciliation entre économie et intérêt général, ainsi que la cohésion des acteurs. Performance, innovation et confiance sont au cœur des nouveaux modèles qui s’inventent en proximité.

L’intérêt général ne se pilote pas à 10 jours, mais à 10 ans ! C’est pourquoi, il est indispensable de capitaliser, année après année, les avancées collectives qui se constatent au plus près des réalités de terrain (cf. collection des dossiers annuels de JURIS Associations depuis 2013). Comme chaque année en juillet, le dossier annuel de JURIS Associations fait donc le point sur les actualités en matière de modèles socio-économiques d’intérêt général.

Malgré les flux et les reflux, trois avancées collectives sont à souligner depuis l’an dernier :

  • La plateforme « Trajectoires socio-économiques » a été lancée, le 18 octobre dernier à l’occasion du Forum National des Associations et des Fondations, afin d’outiller les acteurs, actions et alliances d’intérêt général. Elle intègre notamment le cycle de webinaires mensuels, animé depuis 2020 avec la DJEPVA, pour valoriser la diversité des modèles à tous les échelons territoriaux.
  • Le rapport « Vers de nouveaux équilibres socio-économiques », publié en janvier, a fait le bilan après trois ans d’animation collective des enseignements sur les tendances structurelles de chacun des trois leviers des modèles socio-économiques : les richesses humaines, les ressources financières et les alliances stratégiques. Il en (dé)montre la diversité, et les replace dans leur contexte territorialisé.
  • Le module « Se projeter vers de nouvelles trajectoires socio-économiques » a été co-élaboré avec le Comité de pilotage national du programme « (Re)Connaitre les modèles d’intérêt général ». Il permet aux gouvernances des acteurs, actions et alliances d’intérêt général de mettre en débat leurs enjeux et pratiques.

Fort de ces avancées, il est urgent d’accompagner chacun à se saisir des méthodes et outils qui contribuent à consolider les équilibres socio-économiques au plus près des réalités de terrain.  Ce 12ème dossier est donc résolument tourné vers les Territoires, que ce soit au niveau national, régional ou local. Quels sont les nouveaux équilibres socio-économiques à (ré)inventer à chaque échelon territorial pour assurer un pilotage optimal de l’intérêt général ?

Le cheminement proposé commence avec le cap et le cadre national. Le Mouvement associatif nous en rappelle les enjeux et les pratiques pour les têtes de réseaux. Mickaël HUET, Délégué général Le Mouvement associatif, y précise : « La subsidiarité n’est pas seulement une question organisationnelle, mais aussi un défi stratégique pour les têtes de réseaux qui doivent continuellement négocier leur rôle pour rester pertinentes et efficaces sans empiéter sur l’initiative locale. » Sage déclaration, n’est-ce pas là justement la clé du changement de tout acteur d’intérêt général : passer du « ruissellement » à « l’enracinement » comme le précise l’étude d’impact du faire alliance d’intérêt général en France ?  Dans le dossier JURIS Association, l’ADASI nous spécifie ensuite l’accompagnement des trajectoires socio-économiques, en rappelant que « par nature, un modèle socio-économique n’est pas figé : il évolue avec le projet d’une structure en lien avec ses phases de développement ou de transformation ». Nous pourrions ajouter que c’est plus vrai encore lorsqu’il s’agit d’un projet d’intérêt général nécessairement ancré et incarné pour répondre aux besoins de tous, et en priorité des plus fragiles d’entre nous ! La Fondation Pierre BELLON nous l’illustre avec sa manière de soutenir l’innovation sociétale, et Solifap l’incarne avec ses enseignements sur les modèles socio-économiques des associations du mal logement.

Le dossier nous fait évoluer ensuite vers l’infrastructure territoriale dont le réseau territorial de la DJEPVA rappelle l’importance pour le déploiement des politiques publiques de soutien et de consolidation de la vie associative. Les témoignages des DRAJES Hauts-de-France et Nouvelle-Aquitaine sont éloquents sur la valeur ajoutée de co-construire les politiques publiques au plus près des réalités de terrain. A ce titre, la Charte d’engagement réciproque de 2014 et le nouveau dispositif d’animation locale de la politique Vie associative – Guid’Asso – en sont des exemples inspirants. Autre réalité locale stratégique pour l’intérêt général : l’émergence de « catalyseurs territoriaux » qui créent les liens et structurent le dialogue en confiance entre Collectivités territoriales, associations et entreprises. Le Réseau des catalyseurs territoriaux, qui fêtait son 10ème anniversaire en ce 2 juillet, nous éclaire sur le financement de « l’ingénierie du premier kilomètre des besoins ». La Fondation GRDF en décrit un mode d’investissement avec l’émergence du Fonds ODD 17, et Le Mouvement associatif Haut-de-France nous invite à « jouer collectif » localement pour accompagner les associations dans la transformation de leurs modèles socio-économiques.

Au niveau de l’action locale, c’est le Réseau National des Maisons des Associations (RNMA) qui en souligne l’enjeu de diversification des financements. Son témoignage sera illustré dès demain dans le cadre de l’entretien mensuel « 3 questions à … » du cycle « L’ODD 17 en pratiques » qui va interviewer en ce 4 juillet le Directeur de la Maison des associations de Saint Benoît de La Réunion. Telle une première réponse à l’urgence d’inventer ensemble de nouveaux modèles socio-économiques du « premier kilomètre des besoins », la Fondation de Lille met en lumière le développement des Fondations territoriales, et la Fondation territoriale de Loire-Atlantique en explique l’une des déclinaisons possibles. Enfin, le tiers-lieu l’eclozr de Rennes met quant à lui en avant le développement de lieux, espaces de confiance et d’interconnaissance, pour faire émerger de nouvelles alliances.

Au sein de ce 12ème dossier annuel sur l’état des lieux des avancées en matière d’invention de nouveaux équilibres socio-économiques d’intérêt général, les rapporteurs de la saisine du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur le financement associatif appellent à une réaffirmation de l’engagement citoyen. Voté à l’unanimité des membres du CESE, l’Avis « Renforcer le financement des associations, une urgence démocratique » fait 20 préconisations, dont celle de consacrer 2,5 % du budget de l’Etat au financement des projets d’intérêt général.

Si nous associons à cette proposition celle des 1% que réclame très légitimement l’ANPP – Territoires de Projet pour financer l’ingénierie locale qui permet d’assurer la cohérence des actions avec la cohésion des acteurs, avons-nous réellement le sentiment que d’investir 3,5 % du budget de la démocratie à l’intérêt général au plus près des besoins, des fragilités et des envies d’engagement serait une dépense inutile ?

Investir dans l’intérêt général, n’est-ce pas au contraire la manière la plus créatrice de valeur et de frugalité pour passer d’une stratégie de « ruissellement », dont chacun a pu mesurer les limites, à une stratégie « d’enracinement » dont l’objectif est d’Agir ensemble en Territoire afin de trouver des solutions concrètes face à nos défis en « Commun(s) » !

C’est à ce « Pari de la confiance » dans notre capacité collective à rebondir face au risque de fragmentation de notre Nation que nous ont appelé hier les 350 « catalyseurs territoriaux » qui depuis 10 ans agissent dans le silence pour (ré)inventer des modèles plus fraternels, équitables et durables. Saurons-nous entendrons cet Appel à la Sagesse de « l’Agir ensemble en Territoire » ? L’Avenir seul nous le dira…