Le colloque du 12 janvier a permis de faire le récit du voyage à la (re)découverte de l’intérêt général en France, et de (dé)montrer, exemples à l’appui, comment les associations, les entreprises, les « catalyseurs territoriaux », les collectivités territoriales et les institutions sont à la manœuvre pour concrètement « agir ensemble ». Les représentants de l’Assemblée Nationale, du Conseil Economique, Social et Environnemental ainsi que du Haut-Commissariat au Plan étaient à l’écoute pour se nourrir de ces travaux collectifs, issus de la société civile, sur les mutations de l’intérêt général.
3 ans – jour pour jour – après le Colloque organisé en 2018, a été partagé la réponse à la question : « Intérêt général : dès aujourd’hui l’affaire de tous ? » en lui apportant un « ! ». Que d’avancées en effet depuis 3 ans ! Certes, certains diront qu’en raison des circonstances les choses ne vont pas assez vite – et c’est vrai – ; mais tout aussi légitimement, d’autres diront qu’au regard du profond mouvement de transformation systémique, qui nécessite une conduite de changement adaptée, les choses vont très vite – et c’est tout aussi vrai. Alors hier soir, c’est le « verre à moitié plein » qui a été valorisé afin de donner des signes d’espoir dans notre capacité collective à relever les défis actuels. Les voix de ceux qui désespèrent se font suffisamment entendre pour que nous ayons pour notre part choisi de porter un message de Confiance et d’Espérance. N’est-ce pas la meilleure arme contre la radicalisation des positions actuelles ? Les tensions sont en effet attisées par les messages sur notre incapacité structurelle à être suffisamment souple pour faire les mouvements nécessaires… alors même qu’aucune « recette miracle » n’existe pour le faire. Les recettes d’hier ne sont incontestablement plus les bonnes aujourd’hui, mais alors comment les inventer collectivement ?
Après avoir publié en juillet dernier la « lettre aux élus locaux », rédigée avec le Comité 21 et l’IFGP, pour informer les équipes communales et intercommunales sur les données, outils et compétences à leur disposition pour conduire leurs démarches locales de co-construction au service de l’intérêt général, nous avons eu la joie hier soir de remettre un « carnet de voyage à la (re)découverte de l’intérêt général » à 3 institutions qui incarnent les 3 leviers d’activation de l’intérêt général (Vision, Gestion, Action) qui ont été qualifiés dans les travaux collectifs engagés dès 2014. Ce « carnet de voyage » retrace le récit de nos 7 ans de cheminement. Il en livre les principaux enseignements pour agir dès aujourd’hui. En 2021, il ne s’agit pas seulement d’accélérer la sortie de crise, mais plus structurellement encore de sécuriser la réussite de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable, cadre commun de référence pour tous les acteurs, partout sur les territoires et pour tous les domaines d’action.
Le choix des 3 institutions a été fonction de leur capacité d’activation des trois leviers d’intérêt général au plus près des acteurs de terrain :
- La Vision partagée : plus encore qu’en 2018 après la réforme structurelle en cours, le Conseil Economique, Social et Environnement incarne le lieu de dialogue et de co-construction entre organisations publiques et privées sur notre avenir commun. Depuis sa création, il représente la capacité de la diversité des profils d’organisations à dialoguer et agir ensemble. Il a inspiré 70 autres pays qui l’ont mis en place. Dans ces pays, il est un marqueur de la démocratie. La réforme en cours complète la légitimité délibérative historique par une légitimité participative en y associant le « pouvoir d’agir » des citoyens. Lorsque ces deux formes de légitimité éclairent la légitimité représentative, elles favorisent la capacité à créer une vision partagée. Comme l’a (dé)montré le rapport de 2015 « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelle gouvernance », pour piloter un changement systémique, il faut que les institutions, les organisations et les citoyens soient en phase sur la vision de l’avenir, mais aussi sur les conditions nécessaires de changement pour y parvenir. Cela oblige chacun à se décentrer et à faire « un pas de côté » … avant de demander aux autres de se transformer. Le CESE a été représenté par sa Vice-présidente Carole COUVERT.
- La Gestion régulatrice : le premier rôle de l’Etat est d’être garant de l’Intérêt général. Dans un Etat de droit, le Parlement joue un rôle central. Comme en 2018, c’est donc son représentant qui a assuré le fil rouge du colloque. Le Vice-président de l’Assemblée Nationale Sylvain WASERMAN, qui avait suivi toute la journée du 12 janvier 2018 pour la conclure, a accepté à nouveau de se mobiliser pour partager ses convictions sur les avancées en 3 ans.
- L’Action collective transformatrice : les 300 décideurs présents au colloque de 2018 avaient identifié que le « parent pauvre » des 3 leviers d’activité de l’intérêt général en France était incontestablement la (Re)Connaissance et la Valorisation du « jouer collectif » … alors que l’Action est engagement. Ils n’étaient pas les seuls, et l’an dernier – au plein cœur de la crise – c’est 81% des Français qui nous rappelaient l’urgence de mettre en œuvre le « devoir d’alliance », 92% des élus locaux qui déclaraient le « besoin d’alliance » au plus près des besoins et des fragilités en territoire, et 84% des dirigeants d’entreprises qui affirmaient une « envie d’alliance » avec les structures d’intérêt général et les acteurs publics pour « Agir ensemble ». Depuis le colloque de 2018, la France s’est dotée d’un Haut-Commissariat au Plan pour aider les institutions et les organisations à conduire une transformation à la hauteur de nos enjeux collectifs. Il était donc légitime que ce soit lui qui incarne ce 3ème levier d’activation de l’intérêt général. Le Haut-Commissariat au Plan a été représenté par Eric THIERS.
Ces institutions ont écouté les retours « de terrain » des « grands témoins » :
- Philippe JOUANNY, Président de la Fédération des Entreprises de Propreté (FEP), pionnière en matière de RSE sectorielle, a expliqué pourquoi et comment les entreprises étaient déjà à l’action. La Loi PACTE a renforcé le rôle des entreprises dans leur action au service de l’intérêt général, et l’exemple de la FEP en est une traduction concrète… qui a débuté depuis plus d’une décennie. Dans la crise, la qualité du dialogue social et les expériences réussies de RSE de terrain ont été des leviers indispensables de résilience. Les entreprises qui avaient appris à « jouer collectif » s’en sont mieux sorties, non seulement pour elles et leurs salariés, mais aussi pour le territoire où elles sont implantées.
- Brigitte GIRAUD, Présidente du Celavar, Directrice de l’UNCPIE et Administratrice du Mouvement associatif, a rappelé que les 1,5 million d’association en France sont par nature un lieu de co-construction en leur sein. Le défi étant que cette co-construction soit étendue auprès des autres acteurs de leur écosystème. Dès 2001, l’Etat a réaffirmé le rôle des associations comme moteur d’engagement de l’intérêt général, les dernières années ont (dé)montré leur capacité à proposer une forme de R&D sociétale au plus près des besoins de proximité. Comme pour les entreprises, la crise a été l’occasion d’éprouver la capacité à « jouer collectif » entre les associations, leurs partenaires et les territoires. La pratique montre que ce n’est pas si facile, et qu’il faut « apprendre à faire alliance ». L’utilité d’avoir des tiers de confiance pour y contribuer doit être mieux identifiée et reconnue.
- Elodie JULLIEN, Secrétaire générale du Réseau des pionniers des alliances en Territoire qui regroupe 350 « catalyseurs territoriaux », a confirmé ce besoin. Depuis une décennie, des « catalyseurs territoriaux » ont émergé et sont devenus des animateurs locaux des liens entre les organisations publiques et privées. Leur (Re)Connaissance a été marquée en 2020 d’une part par les résultats de la mission ministérielle « accélérer les alliances stratégiques entre associations, entreprises et collectivités » qui réaffirme l’urgence d’investir dans cette ingénierie territoriale de proximité, mais aussi par la 6ème Rencontre des pionniers des alliances en Territoire qui a montré la capacité d’engager de nouveaux dialogues et de nouvelles actions communes au plus près des besoins.
- Bettina LAVILLE, Présidente-fondatrice du Comité 21, a redit l’importance d’avoir les Objectifs de Développement Durable (ODD) comme cadre commun d’objectifs, non seulement car il s’agit d’une capacité systémique à réussir les transformations nécessaires d’ici 2030, mais aussi parce que les territoires qui l’ont expérimenté témoignent de l’utilité d’en faire un outil très concret de conduite de changement et de co-construction au plus près des besoins et des acteurs. Le guide « ODD & Collectivités » rend compte à la fois de la diversité et de la simplicité de se saisir de cet outil de dialogue entre acteurs.
- Jean-Paul DELEVOYE, Président du Conseil de la Fondation des Territoires, a évoqué la manière dont les institutions se saisissent du « jouer collectif », et l’urgence d’accélérer la dynamique. Il a aussi souligné que, comme en témoignait Sylvain WASERMAN, la démarche de co-construction est anxiogène pour les élus. Pour (re)créer la confiance, il faut être certain que le fait de ne pas connaitre le point d’arrivé ne soit pas un frein, mais un accélérateur d’engagement. Pour cela il convient de porter un autre regard sur les fragilités qui deviennent notre capacité de mobilisation collective. Cela demande aussi une humilité face à l’exercice du pouvoir.
- Les « preuves de concept » se sont multipliées, mais le déploiement reste une difficulté. Jean-Paul BAILLY, Président d’Honneur du Groupe La Poste, a partagé son expérience de conduite du changement à grande échelle. Au travers de son retour d’expériences, les conditions pour le conduire sont triples : gérer le temps et les spécificités de chacun des territoires, ouvrir un véritable dialogue (… ce qui est différent de chercher à convaincre !) et créer les conditions de la confiance par des actes qui incarnent la considération et par une méthode rigoureuse qui permet de piloter la complexité du changement.
Après ces témoignages inspirants, et représentatifs de la mutation déjà à l’œuvre dans notre pays, Charles-Benoît HEIDSIECK, Président-Fondateur du RAMEAU a remis symboliquement le « carnet de voyage à la (re)découverte de l’intérêt général » aux représentants de l’Assemblée Nationale, du CESE et du Haut-Commissariat au Plan. Les contributeurs à ces travaux peuvent être fiers des fruits du cheminement en commun. Merci à chacun d’entre eux pour la « pierre » qu’il a posée durant ces 7 ans. Qu’elle soit grosse ou petite, elle a la même valeur dans notre édifice commun qui incarne le Lien commun, comme condition première pour co-construire le bien commun.
Gageons que les enseignements de ces actions et alliances au service de l’intérêt général seront écoutés, entendus, et qu’ils permettront de semer des graines pour nous (re)donner confiance en l’Avenir, et pour susciter l’envie d’Engagement au service de tous, au plus près des Territoires, et en priorité pour les plus fragiles d’entre nous. C’est le « pari de la confiance » et la « bonne nouvelle » que nous souhaitions partager en ce début 2021 !