ODD & Crises

Invitée au séminaire « Economie & Sens » de l’Ecole de Paris, Bettina LAVILLE est venue faire le récit de l’émergence de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable (ODD), et présenter ses convictions sur la capacité de résistance de ce cadre de référence mondial face aux crises actuelles.

De la Conférence de Stockholm en 1972 (émergence des questions écologiques au rang des préoccupations mondiales) aux ODD en 2015 (Agenda 2030), en passant par Rio en 1992 (Sommet de la Terre avec l’Agenda 21) et Copenhague en 2002 (qui sépare les questions environnementales des questions de pauvreté traitées par les Objectifs du Millénaire), le chemin de la gouvernance mondiale face à nos défis structurels est tout sauf un long fleuve tranquille ! Pourtant – même lentes – les avancées ont le mérite d’exister, et qu’en serait-il si la « machine » ONUsienne n’existait pas ? Verre à moitié plein diront certains, à moitié vide diront d’autres… Quoi qu’il en soit, l’Agenda 2030 des ODD connaît de sérieux revers que le Secrétaire National des Nations Unis ne cache pas récemment « crise climatique, Covid-19 et guerre en Ukraine menacent les ODD » (12/04/22). Les crises successives ont réduit la lueur d’espoir d’une « face lumineuse de la mondialisation » … et pourtant, avons-nous d’autres choix ? La société civile est traversée de contradictions, et les ferments de révolte s’accroissent ; plus aucun acteur ne peut croire pouvoir maitriser seul l’ampleur de nos défis collectifs. Alors que faire ?

En réponse à la question de savoir si les Territoires ne sont pas les lieux de résilience face à une situation qui semble de plus en plus complexe à piloter de manière systémique, la Présidente du Comité 21 donne 4 raisons d’être à l’écoute des Collectivités locales engagées dans des démarches de co-construction de solutions concrètes, adaptées à la spécificité de leur situation :

  • Elles sont proches du terrain et donc de l’action,
  • Elles peuvent être agiles et adaptables face aux urgences et situations de crise,
  • Elles « emportent » les personnes et peuvent les mobiliser autour d’un Projet commun de Territoire,
  • Elles peuvent plus facilement coopérer « entre pairs » avec les terrains en difficulté.

… mais, Bettina LAVILLE tempère immédiatement : « seules 15% des Collectivités sont aujourd’hui à maturité pour être force d’entraînement et impulser une réelle dynamique de transformation ». Ce sont celles qui ont commencé le chemin depuis déjà longtemps, car l’appréhension systémique prend du temps. Il n’est pas facile de sortir des silos pour se doter d’une vision transversale. En France, la maturité collective n’est pas au rendez-vous. Il en va de même au niveau international : côté des pays du Sud, il existe une réelle rancune face au traitement de la pandémie par les pays du Nord qui n’ont fait preuve que d’une solidarité pour le moins réservée, et côté européen, mise à part l’Italie et les pays Scandinaves, le temps d’appropriation n’a pas eu le temps de s’inscrire dans les planifications nationales.

A mi-chemin l’Agenda 2030 est compromis. L’élan initial a été coupé par la crise sanitaire. Si, lors de l’ouverture du Forum Politique de Haut-Niveau de juillet 2021, le Secrétaire Général des Nations Unies gardait encore l’espoir : « les ODD restent à portée de main (…) ils peuvent contribuer à une reprise durable et résiliente », il a changé de ton début 2022 : « il n’y a aucune excuse à l’inaction ! ».

Alors faut-il désespérer ? Non car l’importance d’un cadre de référence reste une nécessité pour donner du sens à l’action. Paradoxalement, ce sont aujourd’hui les entreprises qui se sont le plus saisies de l’Agenda 2030. Sans doute ont-elles conscience qu’il n’y a aucun développement possible dans un désert, mais aussi que pour conduire le changement, un cap collectif est indispensable pour favoriser l’engagement et libérer les énergies créatrices. Seules elles ne peuvent rien, et c’est donc sur les Territoires au travers de nouvelles alliances qu’il est possible d’envisager une sortie des crises, mais plus encore une capacité à anticiper et à apprendre à mieux gérer les prochaines.

Si l’Agenda 2030 devient celui de la reconstruction, si la gestion des crises successives sont intégrées à son pilotage, et si les Territoires se saisissent de l’opportunité d’en faire un outil pour élaborer des Projet de Territoire ambitieux et mobilisateurs, alors les ODD deviendront un véritable levier de pédagogie, de grammaire commune et de transformation autour d’objectifs partagés. Il est indispensable de le promouvoir auprès de Territoires[1].  S’ils savent s’en saisir pour mobiliser les énergies locales, notamment auprès des jeunes, dans un cadre de cohérence avec les besoins mondiaux, alors il y a une chance de réussir la « Grande Transformation »[2] nécessaire.

Les Territoires s’en saisiront-ils ? L’avenir seul nous le dira…

… mais dès maintenant vous pouvez prendre connaissance de l’article « 3 bonnes nouvelles pour les Territoires » publié aujourd’hui même sur CareNews, et dès samedi, c’est sur l’un des Territoires apprenants – à Renescure dans les Haut-de-France – lors du 3ème Festival des Objectifs de Développement Durable que vous retrouverez Bettina LAVILLE pour poursuivre le combat du Comité 21 de promouvoir l’Agenda 2030 des ODD partout en France !

[1] Guide ODD & Collectivités territoriales piloté par le Comité 21, accessible librement sur www.odd17.org

[2] Rapport prospectif du Comité 21, février 2021