5 ans d’innovations territoriales… en synthèse !

En ce jour du 9ème anniversaire de la signature de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable, Le RAMEAU est fier de vous partager les enseignements du programme « Chef de projet innovation territoriale », piloté sous l’égide de la Fondation des Territoires entre l’automne 2019 et l’été 2024. C’est un beau cadeau d’anniversaire pour valoriser le rôle stratégique des Territoires dans la conduite du changement systémique que nous vivons. Le regard porté aux dynamiques territoriales invite à faire le « Pari de la confiance ».

Dans la continuité du livre « Commun(s) » : discours de la méthode vers le Pari de la confiance, Le RAMEAU a lancé le 19 septembre dernier la démarche « Impacts & Trajectoires » (voir article « la démarche impact(s) & trajectoire(s) est lancée ! »). Quoi de mieux pour l’incarner et en illustrer la pertinence que de rendre compte de son application dans la plus complexe des situations : l’innovation territoriale dans les « petits & moyens » territoires faiblement dotés en ingénierie locale ?

C’est à l’automne 2019 que le programme « Chef de projet innovation territoriale » est lancé sous l’égide de la Fondation des Territoires. Objectif : comprendre comment les Collectivités territoriales agissent au plus près des fragilités, des ressources locales et des envies d’engagement pour inventer une territorialisation des transitions qui soit simple et pragmatique, tenant compte de l’agilité d’action locale. Après 5 ans de cheminement en « Commun(s) » avec plus d’une quarantaine de partenaires – publics & privés, territoriaux & nationaux -, le Comité de suivi national conclusif a eu lieu hier.

Ce 25 septembre 2024, date du 9ème anniversaire de la signature de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable, est une belle journée pour partager les fruits de cette démarche de co-construction qui incarne les impacts du faire alliance, et la diversité des trajectoires pour réussir les transitions.

En synthèse : qu’est-ce que l’innovation territoriale ? Quels sont les enseignements de l’observation de celle des « petits & moyens territoires » ? Quels piliers en déduire pour déployer la territorialisation des transitions ?

Qu’est-ce que l’innovation territoriale ?

Cette question peut paraitre simple… elle a pourtant pris près de trois ans pour obtenir une réponse qui puisse être lisible et visible pour toutes les parties prenantes d’un écosystème local. Souvent confondue avec l’innovation publique ou avec l’innovation sociale, l’innovation territoriale s’en nourrit et s’en distingue en ce sens qu’elle articule toutes les formes d’innovation sur un territoire donné pour répondre aux fragilités locales.

Par essence, l’innovation territoriale est donc fondée sur une capacité à faire alliance entre l’ensemble des acteurs d’un territoire. Décrite dans le cahier de recherche « ODD 17 : Economie(s) & Territoire(s) » en décembre dernier, elle a fait l’objet d’un module pédagogique pour en expliquer les composantes. Le module « Processus d’innovation territoriale » est librement accessible sur la plateforme « l’innovation territoriale en Actions ». Cette dernière capitalise depuis 2018 les méthodes et outils innovants pour accompagner les Territoires dans l’émergence, le pilotage et l’évaluation des Projets de Territoire.

L’innovation territoriale au service des Projets de Territoire

Quels sont les enseignements du programme « Chef de projet innovation territoriale » ?

Le Comité de suivi national a détaillé les enseignements partagés lors du webinaire « Cap 2030 vers l’ODD 17, les ingénieries territoriales à la manœuvre ! » (à voir en replay).

Si l’agilité de proximité rend inefficace toute tentative de standardisation, il est en revanche possible de poser des « balises » qui éclairent sur les conditions de déploiement d’une innovation territoriale qui s’inscrit dans un Cap et un cadre communs.

Pour bien en comprendre les enjeux et les contraintes, deux réalités sont à prendre en considération : l’encastrement des réalités territoriales, et l’effet de taille. Ces situations sont d’autant plus complexes à gérer lorsqu’il s’agit des « petits & moyens » territoires, vu par les Collectivités territoriales qui ont un double rôle : celui de piloter les politiques publiques, et celui d’être garant de l’intérêt général, autrement dit de la cohérence des actions, de la cohésion des acteurs et de la pérennisation des ressources. Dans un contexte d’incertitudes et de crises successives, l’agilité de l’action est déterminante. C’est bien ce que font les Agents des collectivités territoriales qui jouent un rôle de « Chef de projet innovation territoriale » … bien souvent sans le savoir !

Deux réalités à intégrer pour capter l’innovation territoriale

C’est face à cette réalité de terrain que la valorisation des pratiques émergentes est déterminante. Les travaux menés avec AgroParisTech ont permis de qualifier 8 situations professionnelles, de les relier aux 3 leviers d’activation de l’intérêt général (Gestion régulatrice, Action collective transformatrice et Vision partagée). Cette grille a ensuite pu être illustrée au travers de pratiques repérées dans les fonctions de « catalyse territoriale » par le Réseau des catalyseurs territoriaux. Cette démarche a permis de modéliser une grille de qualification des pratiques permettant à chacun de se situer dans ses situations professionnelles.

Grille de qualification des pratiques

Le support de réunion du Comité de suivi illustre la diversité des enseignements, et le retour de Pierre-François BERNARD, Président-Fondateur du cabinet EcceTerra, incarne la diversité des retours sur le prototypage du parcours réalisé avec les 12 territoires pilotes (cf. note « Retour sur le programme « Chef de projet innovation territoriale », Ecce-Terra, 24 septembre 2024).

Quels sont donc les « piliers » d’une territorialisation des transitions cohérente avec l’agilité locale ?

Dans ces conditions, il est légitime de se questionner sur les « balises » pour un déploiement national fécond et adapté à la diversité des situations professionnelles et des Territoires.

A l’issue de ce cheminement quinquennal, il en ressort 4 « piliers » pour un déploiement qui respecte à la fois le Cap et le cadre communs, ainsi que la nécessaire agilité locale pour permettre une capacité d’innovation territoriale. Deux « piliers » sont structurels, deux sont opérationnels.

Les « piliers » structurels sont à la fois politique et académique, l’un et l’autre se renforçant mutuellement.

Le 1er pilier est politique. Il convient de rappeler que le rôle d’une Collectivité territoriale est certes d’apporter des services publics, mais aussi – et peut-être surtout dans un temps d’incertitude – de garantir et de piloter l’intérêt général. A ce titre, la responsabilité dépasse celle du mandat pour s’inscrire dans le temps long du/des Territoire(s). Ce rôle de garant nécessite une posture différente. Si celle des services publics s’adressent à des « usagers », celle du pilotage de l’intérêt général à des « citoyens ». A ce titre, c’est bien la Collectivité territoriale qui doit être à la manœuvre pour mobiliser les engagements autour de Projets de Territoire durables et inclusifs. L’ANPP-Territoires de Projet en fait la pédagogie au travers d’une série de Vadémécums publiés depuis 2021, d’abord sur l’élaboration d’un Projet de Territoire stratégique, puis sur la valeur de l’ingénierie locale, et enfin sur l’importance des coopérations territoriales. L’association d’élus et d’agents publiera au prochain Salon des Maires un 4ème Vadémécum sur les conditions du « Bonheur local », à la suite des Etats Généraux des Pays et Pôles d’Equilibre des Territoires Ruraux de février dernier.

Le 2ème pilier est académique. Dans un contexte de métamorphose comme celle que nous vivons, la capacité à transformer la connaissance empirique en compétences stratégiques pour conduire un changement systémique est structurante. Elle permet de faire le lien entre la nécessité de changer, et les trajectoires possibles pour y parvenir en tenant compte de la réalité de terrain… et de la maturité collective de nos écosystèmes. A ce titre, la note « Chef de projet innovation territoriale : contours, compétences, métier » est stratégique (cf. note AgroParisTech, septembre 2024). Publiée aujourd’hui même par Cécile COT et Laurent LELLI du Campus de Clermont-Ferrand d’AgroParisTech, elle explique la valeur et les limites des pratiques professionnelles de ces Chefs de projet en charge de l’innovation qui sont nécessairement confrontés à des injonctions contradictoires. L’équipe d’AgroParisTech invite donc à clairement distinguer ce qui relève de la valorisation des pratiques innovantes du développement des compétences qui n’est possible que lorsque les référentiels sont clairement établis. A partir du même constat la thèse d’Anne-Valérie CRESPO sur le « dialogue en coresponsabilité » éclaire les liens possibles entre le manager, son organisation et son Territoire d’implantation. 1er Prix de thèse ADERSE-ORSE 2024, ces travaux sont les pendants côté entreprises de ceux réalisés par la Chaire InterActions d’AgroParisTech, et les résultats sont convergents (interview d’Anne-Valérie CRESPO lors du Forum Mondial Convergences à écouter en replay). C’est dans ce sens que le 4ème cahier de recherche réalisé en commun avec l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts sera publié le 16 octobre prochain à l’occasion du Congrès des Villes Universitaires de France (AVUF) sur le thème « ODD 17 : comment territorialiser les transitions ? – Le(s) rôle(s) des acteurs académiques pour les réussir ».

Les « piliers » opérationnels sont à la fois au niveau des méthodes et des outils, l’un et l’autre se répondant pour garder le rythme d’une dynamique encore très largement en émergence.

Le 3ème pilier est méthodologique. Il nous faut apprendre à différencier la valorisation des pratiques émergentes du moment où il devient possible de développer les compétences requises car les référentiels sont suffisamment matures pour être déployés. Cette démarche doit non seulement tenir compte du besoin, mais aussi de la maturité pour être en mesure de passer de l’un à l’autre. Dans « l’entre-deux », il est important de développer :

  • Une grille de qualification des pratiques pour que chacun puisse se situer, à l’exemple de celle développée dans le cadre du programme, en partenariat avec une diversité de référentiels métiers (notamment ceux de l’ANPP-Territoires de Projets pour les directeurs territoriaux, du RNMA pour l’accompagnement des associations et des territoires, du RNET pour les développeurs économiques territoriaux, et du référentiel « Co-construction territoriale » des catalyseurs territoriaux). Cette grille est librement accessible en ligne sur la plateforme « l’innovation territoriale en Actions ». Le Réseau des catalyseurs territoriaux engage une étude auprès des 350 animateurs locaux afin de mieux connaitre leurs pratiques. Les premiers résultats seront partagés le 19 décembre prochain, à l’occasion du dernier webinaire du cycle « Vers de nouveaux équilibres socio-économiques » (voir cycle initié en 2020).
  • Une variété de formats pédagogiques est essentielle pour répondre à la diversité des « 1er kilomètre des besoins ». Le parcours expérientiel de valorisation des pratiques professionnelles ( parcours expérientiel « L’innovation territoriale en pratiques ») se différencie du parcours pédagogique pour faire ses premiers pas (cf. parcours découverte « Alliances & Territoires »), ainsi que du parcours d’analyse de son innovation territoriale (cf. parcours méthodologique « Qualifier son innovation territoriale »).

Le 4ème pilier est numérique. S’inscrivant dans le programme « Numérique & Territoires » lancé en 2020 pour illustrer la complémentarité entre les plateformes digitales et l’ingénierie de proximité, le prototypage du parcours expérientiel de valorisation des pratiques de « Chef de projet innovation territoriale » s’est volontairement appuyé sur deux plateformes complémentaires : celle animée par le Réseau des catalyseurs territoriaux depuis 2018, et celle initiée par le CEREMA en 2022 : Expertises.Territoires. Les cibles et les contenus étant différents, il a été possible d’élargir la diffusion des méthodes expérimentées. Cette stratégie de « back office » en Commun(s) qui se décline ensuite en fonction du « dernier kilomètre des solutions » proposées par les plateformes digitales est au cœur de la stratégie de l’ODD 17 en pratiques, incarnée par la plateforme odd17.org. C’est en effet en laissant les utilisateurs libres de leur chemin d’accès, et la diversité des plateformes de personnaliser le contenu en fonction de ses cibles que le « Commun(s) » des connaissances et de la capitalisation partagée peut devenir non seulement créateur de valeur ajoutée, mais aussi de frugalité. Il ne s’agit pas de renoncer à la spécificité ni de l’offre, ni de la demande, mais d’assurer un « socle commun » qu’il n’est pas obligatoire de réinventer à chaque démarche. Outre la frugalité des coûts – qui n’est pas neutre dans le contexte actuel – cette stratégie a aussi la vertu de faciliter les interconnexions car la sémantique utilisée et les références prioritaires sont souvent propres à chaque communauté ne facilitant pas le passage de « l’entre-soi » à « l’entre-tous » pourtant au cœur de toute démarche d’intérêt général.

En ce 9ème anniversaire de la signature de l’Agenda 2030, cette modeste contribution d’un cheminement qui incarne l’ODD 17 en pratiques ne fait pas tout… mais n’est pas rien !