Comme l’a rappelé le colloque du 12 janvier, l’intérêt général est dès aujourd’hui l’affaire de tous. Ce n’est ni une injonction, ni une utopie, mais bel et bien une réalité déjà très incarnée sur les territoires. Depuis une décennie, de manière empirique a émergé une capacité à « jouer collectif » qui s’est progressivement structurée. Récit d’un cheminement collectif au travers de 4 exemples inspirants à l’œuvre.
Le colloque du 12 janvier nous (ré)invite à Agir dès aujourd’hui au service de l’intérêt général (cf. blog « l’intérêt général en action »). Sur les territoires, l’heure n’est plus aux constats, mais à l’Action !
Relire et relier les exemples pour en comprendre les racines transformatrices
Pour « Agir ensemble », il faut un cap qui repose sur 3 piliers partagés : la Capitalisation des expériences pour accélérer le déploiement de solutions adaptées, l’Anticipation des signaux faibles pour se préparer avant les « vagues », et la mise en Perspective des résultats en croisant les regards pour mobiliser largement l’ensemble des acteurs au-delà du cercle des « pionniers ». La semaine dernière a été l’occasion de valoriser 4 exemples inspirants qui ont su mettre en œuvre ce C.A.P. : le programme d’animation territoriale pour l’innovation sociale du Labo des partenariats de Grenoble, la nouvelle étape de déploiement territorial de l’Alliance Dynamique du Groupe La Poste, la 3éme session de partage de savoir-faire sur l’engagement territorial des entreprises de la CRESS Bretagne, et la poursuite de l’expérimentation « L’ODD 17 en pratique » dans le Massif Central.
Ce qui caractérise ces expérimentations, c’est qu’elles s’inscrivent dans le temps, qu’elles ont su être pionnières, et surtout qu’elles sont aujourd’hui force d’entrainement pour d’autres engagements à la fois sur leur territoire et au-delà. Leur C.A.P. est utile à tous !
Animer le territoire par l’innovation : l’exemple de GAIA en Isère
Côté Capitalisation : L’exemple de GAIA, qui a fondé le Labo des partenariats de Grenoble, est inspirant. Dès sa création, ce « catalyseur territorial » a su mettre au service de son territoire les retours d’expérience d’autres territoires. Lors de la création du Labo, il s’est notamment inspiré de l’expérience d’Alsace Active qui s’est très tôt mis en route pour inventer une 3éme ingénierie locale.
Dès 2008, l’intuition était qu’aux côtés du financement et de l’accompagnement des projets, l’ingénierie du « lien » entre les acteurs du territoire allait devenir stratégique. Lorsqu’en 2012, Alsace Active crée le 1er Labo des partenariats régional, un groupe de travail se met en place avec l’ARF, sous l’impulsion de Marie-Gite DUFAY. Ce dernier aboutira en 2014 à la création du Réseau des pionniers des alliances en Territoire qui capitalise les pratiques de « pionniers », et les met en partage (cf. site Catalyseurs territoriaux (catalyseurs-territoriaux.org). GAIA fait partie des 350 « catalyseurs territoriaux » qui incarnent et inventent tous les jours les moyens les plus pertinents de « jouer collectif » en territoire en tenant compte des spécificités locales.
En Isère, le Labo des partenariats accompagne des entreprises engagées. GAIA a rassemblé la semaine dernière son Comité de pilotage des partenaires, afin de présenter son programme d’animation territoriale pour l’innovation sociale. La diversité de ses parties prenantes, locales et nationales, était représentée. Citons notamment la Métropole de Grenoble, la Ville de Grenoble, le département de l’Isère, la DIRECCTE, la Banque des Territoires, la Chaire ESS de l’IEP de Grenoble, la Chaire Territoire en transition de Grenoble Ecole de Management, Start-Up de Territoire, l’association French Impact, la Fondation de France Centre-Est, l’agence EDF « Une Rivière, Un Territoire » … et Le RAMEAU.
GAIA a pour ambition de favoriser un développement économique local durable, inclusif et résilient. Le dispositif d’animation territoriale se traduit par des activités de partage des connaissances du territoire ; d’animation au sein de la Métropole de Grenoble, du Sud Isère, du Nord Isère et du Grésivaudan ; ainsi que d’accompagnement de projets d’innovation sociale sur 4 volets (solidarité, mobilité, réemploi et alimentation).
En ouverture, le French Impact a félicité le territoire de la Métropole de Grenoble pour sa capacité de coopération, et a invité à s’approprier le dispositif ESS Relance. Start Up de Territoire a présenté pour sa part cette démarche d’innovation sociale, visant un changement de posture pour développer le pouvoir d’agir localement, et a confirmé que l’Isère est un département propice aux coopérations. Le RAMEAU a souligné qu’il observait depuis longtemps le cheminement inspirant de GAIA, et a témoigné que les alliances territoriales génèrent des impacts en termes de performance, de confiance et d’innovation. Le « jouer collectif » est plébiscité par 81% des Français, 92% des élus et 84% des dirigeants d’entreprises pour accélérer la sortie de crise. La mission ministérielle sur l’accélération des alliances stratégiques a souligné les enjeux majeurs d’apprendre à faire alliance, d’animer et de structurer ces coopérations locales. GAIA joue un rôle clé en Isère en ce sens, en assurant 3 fonctions complémentaires de catalyseur territorial : l’animation du dialogue entre organisations d’univers différents, la mise en œuvre d’expérimentations collectives et l’accompagnement des acteurs dans leur démarche partenariale.
Pour en arriver là, il faut savoir prendre le temps !
Prendre le temps nécessaire pour déployer « industriellement » une démarche apprenante en tenant compte des spécificités locales : l’exemple de l’Alliance Dynamique du Groupe La Poste
Ce n’est pas au plein cœur de la crise que l’on crée la confiance nécessaire, en en anticipant les besoins.
Côté Anticipation : L’exemple du Groupe La Poste est lui aussi très inspirant. L’entreprise s’est questionnée dès 2008 sur la stratégie partenariale à créer dans le cadre de la « rupture stratégique » impulsée par son Président Jean-Paul BAILLY. Ce dernier s’était engagé à ne fermer aucun bureau de poste sans l’accord des élus. Dès lors, le Groupe s’est mis en mouvement pour définir quel pouvait être sa politique partenariale, d’abord avec les Collectivités territoriales puis avec les acteurs de l’ESS, notamment pour mieux répondre aux besoins de proximité.
Après une réflexion nationale en 2008, une diversité d’expérimentations territoriales a été menée. A Poitiers par exemple, la dynamique a donné lieu à la démarche « Agir ensemble en Territoire » en 2010. C’est à partir de ce retour d’expériences que La Poste a créé dès 2014 l’Alliance Dynamique avec 53 réseaux de l’ESS.
Le bilan de cette démarche en 2018 donnera l’impulsion pour déployer la démarche dans tous les territoires afin de développer des partenariats de coopération économique et d’innovation sociétale. Après une expérimentation pilote en Occitanie, la démarche est aujourd’hui déclinée sur tous les territoires volontaires pour co-construire des partenariats stratégiques innovantes. Lors de son allocution à l’occasion de la Convention de l’Alliance Dynamique en septembre dernier, le Président Philippe WAHL avait insisté sur le rôle structurant de ces nouvelles alliances.
La semaine dernière, une nouvelle étape a été franchie avec l’ensemble des territoires pour partager un cadre commun tout en laissant les acteurs territoriaux libres d’inventer les réponses adaptées en fonction des réalités et des priorités locales. « Industrialiser » tout en s’adaptant aux spécificités de tous les territoires est facile à dire … mais beaucoup moins à faire ! De par son expérience, avec 17.000 points de contact en France, le Groupe La Poste est le mieux placé pour en parler… et pour le démontrer par l’Action.
Il n’est pas possible de bouger un « porte-avion » comme un « zodiac ». C’est bien la capacité d’anticipation et d’adaptation qui ont permis au Groupe de capter les « signaux faibles » il y a une décennie ; de prendre le temps de convaincre ses partenaires de s’engager à ses côtés dans une démarche partenariale apprenante (… ce qui ne fut pas si simple que cela !) ; d’en capitaliser les résultats et les enseignements afin d’être en mesure aujourd’hui d’être l’un des moteurs de la co-construction au plus près des besoins et des territoires. La crise de la Covid-19 a (dé)montré à quel point cette anticipation a permis une plus forte résilience dans la crise. Au moment où la France a eu plus que jamais besoin de La Poste et de ses postiers, la confiance créée en territoire a été incontestablement un atout pour le Groupe, pour les Territoires… mais aussi pour le bien commun.
Sans l’intuition initiale il y a une décennie, et la capacité tant des décideurs que des équipes d’assurer une continuité dans l’action engagée, la situation aurait été fort différente… Elle invite aussi à se questionner sur notre capacité collective à savoir « faire alliance ».
Apprendre à « jouer collectif » entre mondes riches de leurs différences : l’exemple de la CRESS Bretagne
Nous n’avons pas la culture du dialogue « entre mondes » en France. Historiquement, le dialogue entre associations, entreprises, collectivités territoriales, services de l’Etat, acteurs académiques… a été peu valorisé, voire ignoré. Il ne s’agit pas de faire des « discours miracles » ou de mettre à disposition des « boîtes à outils magiques » pour co-construire, il s’agit d’abord de comprendre les pratiques de chacun, de favoriser les interactions pour permettre à chacun de mieux comprendre les enjeux de l’autre et d’identifier les défis communs qui peuvent inciter à se mobiliser collectivement. Cela oblige à mettre en perspective ces dynamiques de co-construction territoriale, et de s’approprier la diversité des moyens de les animer.
Côté Mise en Perspective : l’exemple de la CRESS Bretagne est éclairant sur l’’appropriation des dynamiques d’engagement territorial des entreprises à l’œuvre. En juillet dernier, en écho à la 6éme Rencontre du Réseau des pionniers des alliances en Territoire, la Vice-présidente de la CRESS Bretagne a exposé les spécificités de coopération de sa région (cf. vidéo de Marie-Martine LIPS). Depuis, Le RAMEAU s’est engagé aux côtés de la CRESS Bretagne pour partager son expertise sur l’engagement territorial des entreprises. La CRESS Bretagne pilote une démarche de développement des coopérations dans les territoires entre les entreprises « classiques » et les structures de l’ESS. Ce projet est lancé dans les territoires de Fougères, Vitré, Morlaix et Auray. Il est soutenu par la DIRECCTE.
Le RAMEAU contribue à cette expérimentation via un appui méthodologique et une formation des responsables des pôles ESS locaux. Du 24 novembre 2020 au 14 janvier 2021, il a animé 3 sessions pour partager son savoir-faire dans le domaine « RSE & Partenariat », et notamment en lien avec les pratiques innovantes d’engagement territorial des entreprises. Les pôles ESS disposent désormais des clés de lecture, et des outils pour activer localement de nouvelles coopérations. Il s’agit pour chacun de se créer son propre parcours d’appropriation en puisant dans la capitalisation des connaissances et des méthodes, à partir notamment des :
- Connaissances du profil, des fragilités et de la dynamique d’alliance du territoire, avec la synthèse et le rapport de l’étude régionale IMPACT-Bretagne,
- Autodiagnostics pour les entreprises (auto-diagnostic RSE et partenariats) et pour les structures d’intérêt général (auto-diagnostic « politique partenariale »),
- Méthodes de la démarche apprenante « RSE et partenariats », au travers du Centre de ressources numériques RSE & Partenariats.
- Illustration d’exemples de partenariats avec les 500 cas référencés dans la base de données IMPACT-Pratiques partenariales innovantes de l’Observatoire des partenariats.
Accélérer les démarches de co-construction territoriale grâce aux dynamiques déjà existantes
Le C.A.P. de la co-construction territoriale est clairement formalisé. Dès 2016, sous le Haut-patronage du Président de la République, un Colloque au CESE lance le référentiel « Co-construction territoriale ». Après 7 ans d’expérimentations de terrain, ce premier document de référence sur le « jouer collectif » en Territoire par le croisement des différents mondes invite à se questionner collectivement sur l’émergence des « catalyseurs territoriaux » pour accompagner les organisations et les territoires à un « faire alliance » qui dépasse les « frontières » habituelles. Il ne s’agit pas de revendiquer qui est le mieux placé pour le faire, mais au contraire de (dé)montrer la diversité des acteurs qui peuvent jouer ce nouveau rôle. La capitalisation du cheminement des territoires, de la genèse aux premiers résultats, permet d’en comprendre les mécanismes profonds. Le parcours d’expérience engagé dès 2017 avec 10 territoires pilotes a permis d’en qualifier les conditions de partage, mais aussi les besoins structurants pour un déploiement à grande échelle de cette 3ème ingénierie locale. C’est ce qui sera à l’origine du Projet de Fondation des Territoires, initié en juillet 2018. Le 23 novembre dernier, une nouvelle bonne nouvelle : la création du Fonds ODD 17. Ce dernier consacre une partie significative de ses investissements à la « catalyse territoriale ».
Il convient aujourd’hui plus de capitaliser et renforcer les dynamiques existantes ayant fait leurs preuves, plutôt que de vouloir démultiplier les expérimentations qui étaient utiles… il y a 10 ans !
Croiser les démarches de co-construction : l’exemple du Massif Central
Il n’y a pas une seule forme de « catalyse », mais bien une diversité d’acteurs et d’initiatives qui émergent pour répondre aux besoins du « jouer collectif ». Personne ne peut donc s’approprier cette dynamique qu’incarne l’ODD 17. C’est bien le fait même que chacun en est contributeur, sans qu’aucun ne se situe « au milieu » qui caractérise les dynamiques à l’œuvre en territoire.
Fort de ces convictions, la Fondation RTE, la Chaire Interactions d’AgroParisTech et Le RAMEAU ont initié en mars 2020 une expérimentation innovante dans le Massif Central en croisant les expériences du PETR du Grand Clermont, de l’Agence de Développement Macéo, de Ronalpia & CoCoShaker ainsi que du site de Clermont Ferrand d’AgroParisTech pour étudier les synergies entre les démarches issues des acteurs publics, des acteurs économiques, de l’ESS et des acteurs académiques. La session du 14 janvier dernier a (dé)montré une fois encore la richesse de la démarche. Affaire à suivre donc…
L’actualité de ces 4 démarches à l’œuvre dans des territoires différents est la preuve par l’exemple que l’intérêt général est dès aujourd’hui l’affaire de tous !