MSE associatifs : un nouvel outil pédagogique

En 2016, le FONJEP a engagé une démarche innovante pour qualifier les spécificités des modèles socio-économiques associatifs. 7 ans plus tard, après un cheminement inspirant, l’Assemblée Générale 2023 a permis de tester le nouvel outil pédagogique à destination des associations de Jeunesse et d’Education Populaire. Les 4 équipes de recherche, qui ont travaillé aux côtés du FONJEP, dont Le RAMEAU, ont ainsi pu expérimenter en direct le fruit de leurs travaux.

« C’est une grande satisfaction pour Le RAMEAU de vivre l’expérience du nouvel outil pédagogique conçu par le FONJEP à destination des associations de Jeunesse et d’Education Populaire. Pour Le RAMEAU qui y a consacré 15 ans de recherche empirique, c’est la traduction concrète de ce que la coopération entre acteurs – riches de leurs différences – peut produire, de l’observation de terrain à la pédagogie de terrain, en passant par le croisement d’angles de recherche complémentaires. » a déclaré Charles-Benoît HEIDSIECK, à la tête de l’une des 4 équipe de recherche mobilisées auprès du FONJEP.

Faisons un peu d’introspection pour en comprendre le sens… Relisons les étapes clés pour arriver jusqu’à là, relions-les à nos défis d’aujourd’hui, et questionnons-nous sur ce qu’il reste à inventer.

Relisons notre histoire collective

C’est en 2008, fort du retour d’expérience de la réflexion stratégique de l’AFM-Téléthon, que Le RAMEAU propose une nouvelle approche des « modèles socio-économiques d’intérêt général ». Il s’agit de les appréhender autour de 3 piliers : les richesses humaines, les ressources financières et les alliances stratégiques. Ce concept permettait alors de rendre compte de la valeur des actions et des acteurs d’intérêt général qui ne peut pas se mesurer uniquement au regard de critères économiques. Pour comprendre « l’équilibre de la maison », la valeur économique doit se situer entre la valeur des richesses humaines mobilisés pour agir ensemble et les liens avec l’écosystème dans lequel s’inscrit l’action engagée. En effet d’une part l’engagement est au cœur même de toute démarche d’intérêt général, et d’autre part, il n’y a pas d’intérêt général désincarné. Autrement dit, il n’y a pas d’intérêt général sans resituer l’action dans son contexte systémique, tant individuel (le JE) que collectif (le NOUS).

La même année 2008, Le RAMEAU lancera son programme de recherche sur la co-construction territoriale pour qualifier ce Projet commun qui dépasse les projets de chacun pour s’inscrire dans un « commun ». C’est l’articulation du JE/NOUS qui fait Société. Il n’y a d’intérêt général que lorsque l’on accepte – individuellement et collectivement – de dépasser « l’entre soi » pour se risquer à « l’entre tous ».

Ainsi, pour comprendre le modèle socio-économique d’un acteur, il ne faut pas seulement le situer par rapport à son propre Projet, mais aussi par rapport à celui « en commun ». Ce dernier s’incarne dans les Territoires qu’ils soient locaux, mondiaux ou virtuels.

Dès 2009, ces hypothèses empiriques ont été testées avec la Croix Rouge, puis modélisées à partir de 2011. En 2013, fort d’un travail collectif avec le « G10 », le Mouvement associatif a fait sienne cette conception, et portera la note « Contribution à l’analyse des modèles socio-économiques associatifs », publiée en janvier 2014. Depuis lors, un dossier JURIS Associations rend compte annuellement des avancées collectives en matière de connaissances et de compétences sur les modèles socio-économiques d’intérêt général (le prochain sera le 1/07 !).

En 2019, après une décennie de recherche empirique, le référentiel « les modèles socio-économiques d’intérêt général » a été publié lors du Forum Mondial Convergences. A cette occasion, le Ministre en charge de l’Engagement, Gabriel ATTAL, a insisté sur l’importance de ne pas confondre les modèles d’utilité sociale et ceux d’intérêt général. Bien que complémentaires, ils relèvent de fondements radicalement différents.

Relions ce nouvel outil pédagogique à nos défis communs

En juin 2023, après 7 ans de travaux en commun sur les spécificités des modèles socio-économiques associatifs, le retour du FONJEP résonne avec une acuité particulière. Les 3 leviers d’activation de l’intérêt général sont en effet au cœur des débats.

Concernant la Vision partagée, les Projets de territoire incarnent la capacité concrète à se projeter dans notre avenir commun.  Comment intègrent-ils la place de chacun des profils d’acteurs, et notamment les spécificités des associations d’intérêt général ? Ces dernières jouent un rôle central aux côtés des Collectivités locales et territoriales pour favoriser la cohérence des actions et la cohésion des acteurs. Les acteurs d’intérêt général sont particulièrement bien placés pour capter les « signaux faibles » et pour qualifier le « 1er kilomètre des besoins », notamment des plus fragiles d’entre nous.

Concernant l’Action collective transformatrice, les associations élargissent leur périmètre d’implication. Comment favorisent-elles l’engagement des jeunes dont l’étude « la parole des jeunes en actions » qui vient d’être publiée par l’Observatoire des partenariats nous rappelle la valeur inestimable ?  Les associations ne sont plus seulement des vecteurs du Pouvoir d’agir de chacun et de la capacité à s’inscrire dans un Projet collectif, elles s’inscrivent aussi de plus en plus dans un mouvement de « catalyseurs » afin de mobiliser toutes les énergies au service du Projet de Territoire dans le(s)quel(s) elles sont implantées.

Concernant la Gestion régulatrice, les alliances d’intérêt général deviennent des leviers stratégiques reconnus pour accélérer la réalisation des Objectifs de Développement Durable de l’Agenda 2030. Comment en définir le cadre juridique qui permettra de financer la spécificité des acteurs et actions d’intérêt général ? L’intérêt général est le marqueur d’investissement d’avenir et non – comme encore trop souvent – une simple dépense annuelle.

Rendre capable les associations de qualifier elles-mêmes leur valeur est donc une véritable avancée afin qu’elle puisse établir des dialogues plus équilibrés avec leurs partenaires publics et privés. Le jeu développé par le FONJEP y contribuera incontestablement !

Questionnons-nous sur le prochain défi à relever !

Alors faut-il nous arrêter là ? Non naturellement… pour deux raisons !

Premièrement, aucun outil pédagogique ne peut répondre à lui seul à tous les besoins. Il ne saurait y avoir de « couteau suisse » apte à correspondre à tous les besoins. La diversité des M.E.D.O.C. (Méthodes, Exemples, Données, Outils & Compétences) constitue le seul médicament efficace contre la méconnaissance des spécificités des modèles socio-économiques d’intérêt général. Pour répondre aux besoins de tous les acteurs, dans tous les domaines, sur tous les territoires, nous devons intensifier et diversifier les approches. C’est le sens du programme « (Re)Connaissance des modèles socio-économiques d’intérêt général » lancé en 2020 avec la Direction de la Jeunesse, de l’Education Populaire et de la Vie Associative. C’est aussi celui du remarquable travail praticiens-chercheurs de l’IFMA que soutient activement le Fonds ODD 17.

Deuxièmement, il manque encore une corde à notre arc : celle des modèles socio-économiques des têtes de réseau de proximité !

Résumons : depuis 2019, les travaux du FONJEP et ceux du Mouvement associatif ont permis de mieux valoriser les modèles des têtes de réseau associatives, notamment en rattachant la diversité des modèles socio-économiques aux 6 fonctions principales d’une tête de réseau. Aujourd’hui, le nouvel outil pédagogique du FONJEP pour le secteur de la Jeunesse et de l’Education Populaire vient compléter celui du secteur des associations environnementales qui a développé depuis 2016 la plateforme trajectoire socio-économique (une nouvelle version totalement actualisée de cette dernière sera mise en ligne le 18 octobre prochain à l’occasion du Forum des Associations et des Fondations !). Les associations de terrain sont donc aujourd’hui parfaitement outillées.

Nous pouvons donc nous réjouir que les acteurs nationaux et les acteurs territoriaux ont désormais les leviers pour définir leur propre trajectoire socio-économique en fonction de leurs spécificités …

… mais qu’en est-il des têtes de réseau de proximité – départementales & régionales ? C’est sur les spécificités de ces dernières que les travaux de recherche empirique ont été conduit entre 2017 et 2019 avec le FONJEP. La complémentarité des positionnements, et la chaine de valeur national / régional / départemental / local a été clairement qualifié. Les rôles et les actions n’étant pas identique, les modèles socio-économiques ne peuvent l’être. Si les deux « bornes » ont été bien éclairées, les acteurs de lien entre les deux restent à outiller… et peut-être plus encore à valoriser ! Cette infrastructure qui fait le lien entre le cadre national, nécessairement normatif, et l’action locale, nécessairement agile, est la clé de voûte de notre capacité collective à activer l’ensemble des énergies nécessaires pour réussir les transitions, et sans doute plus encore pour (r)établir un dialogue entre des réalités différentes qui ont de plus en plus de mal à se comprendre, voire même à se parler.

Rappelons non la pédagogie de Laurence POIRIER DIETZ, Directrice générale de GRDF, qui – non sans une pointe d’humour – soulignait l’an dernier au Forum Mondial Convergences au cours de la table ronde « l’alliance, pilier de tout modèle socio-économique durable » : « en matière de modèle socio-économique, nous en oublions souvent un 4ème – celui qui consiste à transmettre les énergies. Les tuyaux ont de la valeur ! » … et notons d’ores et déjà sur nos tablettes qu’elle interviendra lors du prochain « Jeudis de l’ODD 17 », le 25 juin, pour le live du mois.

D’ici-là, ne manquons pas de nous (re)plonger dans la diversité et la richesse des publications du FONJEP sur les modèles socio-économiques !