La diversité des modèles socio-économiques

Lors du Forum National des Associations et des Fondations, à l’invitation de la Banque des Territoires de la Caisse des Dépôts, s’est tenue une passionnante conférence sur les modèles économiques des projets à impact social. Après avoir rappelé les fondamentaux issus du référentiel sur les modèles socio-économiques d’intérêt général, ils ont été illustrés au travers de trois exemples très éclairants.

La Croix Rouge Française a expliqué comment assurer une cohérence et un équilibre global tout en pilotant plus d’une centaine de métiers différents, mais aussi comment innover en matière de modèles socio-économiques, notamment au travers de nouvelles alliances. Les relations entre un « porte avion », auxiliaire des pouvoirs publics, et des « zodiacs », intrapreneurs de la Croix Rouge et entrepreneurs sociaux accueilli à l’Accélérateur 21, sont fructueuses. Elles permettent à chacun de s’inspirer des pratiques de l’autre en fonction des positionnements respectifs, et surtout de créer ensemble ce qu’aucun n’aurait pu faire seul.

Makesense, modèle hybride par essence, nous a présenté son modèle systémique qui repose sur différents métiers complémentaires avec chacun son modèle socio-économique et son modèle juridique. La cohérence d’ensemble est remarque, et surtout évite les « confusion de genre » au sein d’une même structure. Cette exemple incarne parfaitement la nécessité de ne pas confondre les missions d’intérêt général avec les actions d’utilité sociale, chacune répondant à des modèles… et des droits différents. La remarquable pédagogie de Makesense s’incarne plus encore aujourd’hui où ils ont créé avec la Banque des Territoires « makesense SEED I », le premier fonds d’amorçage en France spécialisé dans l‘accompagnement d’entreprises innovantes à impact social. L’engagement significatif de la Banque des Territoires (2,5 M€) a permis d’accélérer la levée du fonds et de lancer cette initiative qui constitue une première en France.

Le 3ème exemple n’était pas moins inspirant. Comment une entreprise commerciale peut-elle être au service du secteur d’intérêt général ? Les alliances se développent entre « univers » différents. La « feuille de route » des ODD qui vient d’être présentée par le Président de la République à l’ONU nous engage tous. En France, la Loi PACTE invite aussi les entreprises à se positionner sur leurs contributions aux enjeux non seulement économiques, mais aussi sociaux, sociétaux et environnementaux. L’étude IMPACT-Citoyens de l’Observatoire des partenariats, restituée à l’Assemblée Nationale le 1er octobre dernier, souligne que les Français considèrent que les entreprises sont des acteurs légitimes (70%) et crédibles (65%) pour réduire les fragilités. En revanche elles ne sont efficaces (48%) que si elles sont en partenariats avec les collectivités territoriales (80%) et les associations (70%). Salvum est une société commerciale qui agit au milieu d’un écosystème associatif. Entreprise de l’ESS agréée ESUS, elle a développé une application numérique permettant d’obtenir la formation théorique certifiante aux premiers secours (PSC1). Seule entreprise privée à être agréée par le Ministère de l’Intérieur et à disposer d’une convention avec l’Education Nationale, elle permet de réduire très fortement les coûts de la formation théorique au PSC1, tout en réduisant le temps nécessaire aux utilisateurs. Le retour d’expérience du fondateur montre à quel point nous devons encore collectivement progresser dans notre capacité à dépasser les postures et les clivages entre « mondes » pour agir ensemble au service du bien commun. Merci à lui, et à tous les entrepreneurs qui font bouger les lignes en montrant que la diversité loin d’être un handicap est au contraire une chance pour agir en complémentarité.

Enfin, la Banque des Territoires, avec la modestie qui la caractérise, a souligné le rôle structurant qu’elle joue pour accompagner les projets à fort impact social. Il est impressionnant de voir à quel point cette « vieille dame de 200 ans » est au cœur de l’actualité avec une capacité d’écoute et d’innovation qui force le respect. Cet exemple montre bien qu’il n’y a pas que les « zodiacs » qui savent innover, mais que les « portes avions » avec les spécificités qui sont les leurs.

Cette table ronde montre à quel point la co-construction est déjà à l’œuvre au travers des expérimentations et de nouvelles alliances qui permettent d’inventer l’hybridation des modèles socio-économiques nécessaire face à l’effet ciseau d’un accroissement des besoins sociétaux concomitamment avec la raréfaction des ressources. Une bonne nouvelle à valoriser auprès des Français qui nous rappellent dans l’étude IMPACT-Citoyens de l’Observatoire de partenariats le « devoir d’alliance » que nous avons tous pour relever nos défis collectifs. Cette table ronde a démontré que non seulement c’est possible, mais que c’est déjà en partie à l’œuvre sur les territoires.

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