Après les 5 modules de formation « Social Impact Manager », les 22 étudiants du programme européen SIM se retrouvent aujourd’hui pour un Hackathon. ESS France, Paris 1 Panthéon Sorbonne et Le RAMEAU mettent en application les enseignements transmis à partir de deux territoires « pionniers » : Paris-Est Marne & Bois et Les Mureaux.
La semaine marathon du RAMEAU se poursuit !
Lundi, le laboratoire de recherche empirique a dévoilé son nouveau concept : la Richesse Intérieure Brute, lors du Conseil scientifique de JURIS Associations (cf. article « Nouveau concept : du PIB au RIB ! »). A la veille de la publication du 13ème dossier annuel sur les avancées collectives de la (re)connaissance de la valeur des modèles socio-économiques d’intérêt général (voir Numéro 721 du 1er juillet, ainsi que les 12 précédents dossiers annuels depuis 2013), Le RAMEAU a rappelé l’urgence de (ré)investir dans la diversité des modèles pour réussir à trouver des équilibres économiques adaptés à la diversité des réalités territoriales.
Mardi, la 11ème Rencontre des pionniers des alliances en Territoire a été l’occasion de rendre compte de l’écoute des besoins des Territoires pour accélérer les transitions. L’analyse de 81 « dialogues de gouvernance » menés avec des écosystèmes territoriaux riches de leurs différences est éclairante : dans un même cap et cadre communs, il est possible d’accompagner les démarches territoriales innovantes… à partir du moment où le point de départ n’est pas le « dernier kilomètre » des solutions, mais bien le « premier kilomètre » des besoins, des ressources et des envies d’engagement. Non seulement cela crée plus de valeur, mais plus encore, cette démarche « inversée » est très largement plus frugale. Il faut tenir compte de 4 niveaux de maturité des Territoires pour accompagner efficacement les dynamiques locales (cf. article « Bonnes nouvelles des Territoires : nouveaux besoins, nouvelles réponses »). La table ronde, co-organisée avec la Fédération AGIRC-ARRCO, a ensuite éclairé la manière très concrète dont l’Action sociale du paritarisme de gestion est un levier stratégique pour les Territoires, et plus largement pour les innovations d’intérêt général. Les 81 Territoires de confiance, engagés dans le programme 2024-2026 « Réussir ensemble la territorialisation des transitions » peuvent en témoigner.
Mercredi, c’est parmi ces Territoires qu’ont été choisis les deux Territoires de l’Hackathon d’aujourd’hui : Paris-Est Marne & Bois et Les Mureaux. Les 22 étudiants du programme SIM pourront ainsi tester en pratiques l’efficacité du kit pratique « Social Impact Manager : piloter l’innovation sociétale ». Mais, pour bien en comprendre la pertinence de cette démarche, il est utile d’en retracer l’histoire, tant côté des pratiques que de la théorie de l’Alliance qui s’est progressivement forgée en deux décennies.
Coté des pratiques : outiller les Territoires, les organisations et les personnes en charge de l’innovation
C’est en juin 2015, lors de la conférence au Conseil économique, sociale et environnemental (CESE) « Alliances & Innovations » que fut publié le référentiel « Modèle d’investisseur sociétal ». Après 7 ans de recherche, 51 projets d’innovation sociétale accompagnés, et 50 M€ investis dans leur changement d’échelle, Le RAMEAU dévoilait alors les résultats de ses travaux de recherche empirique. Jean-Paul DELEVOYE, alors Président du CESE qui accueillait la conférence, résuma le parcours d’un innovateur en une phrase : « L’innovation, c’est une désobéissance qui réussit ». Dès lors, comment l’accompagner tout en l’articulant aux cap et le cadre communs qui furent proposés trois mois plus tard au travers de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable ? Telle fut l’objectif de la suite des expérimentations engagées. Elles donnèrent lieu en 2018 à la publication du guide pratique « L’investissement sociétal en Actions ! » avec AG2R LA MONDIALE, et la même année à la création du Fonds i avec ce dernier, la Caisse des Dépôts, la DJEPVA et les Fondations Carasso et Caritas.
Cet angle national engagé, il convenait alors de décrypter les conditions de l’innovation territoriale. Dès décembre 2017, le livre blanc sur l’innovation associative, réalisé avec GPMA & Generali, rappelait en effet qu’il n’existe pas d’innovation sociétale « hors sol ». La création du Réseau des catalyseurs territoriaux en 2014, et la publication du référentiel « Co-construction territoriale » en 2016 lors d’une conférence au CESE sous le Haut Patronage du Président de la République, ouvraient la voie à un travaux de recherche empirique au plus près de la diversité des réalités territoriales. Dans le cadre d’un partenariat avec le Ministère de la Cohésion des Territoires, entre 2017 et 2019, un parcours sur la co-construction territoriale a été co-élaboré avec 12 Territoires pilotes afin de qualifier les ingénieries de proximités, leurs articulations et leurs complémentarités. A l’ingénierie publique et à celle du management des projets transverses, s’ajoutait alors « officiellement » la 3ème ingénierie locale : celle de la « catalyse » dont la Ministre Jacqueline GOURAULT dira en 2020 qu’elle est une aide précieuse à « l’Etat Jardinier ».
Un chemin apprenant
Les conditions étaient alors requises pour créer le Fonds ODD 17 afin d’accompagner ces démarches d’innovations territoriales et d’ingénierie de proximité qui incarnent en pratiques le 17ème Objectif de Développement Durable. La mission ministérielle confiée par Gabriel ATTAL, alors Secrétaire d’Etat à l’Engagement, en fut le déclencheur. Il convenait d’inventer ensemble – Etat, Territoires, partenaires privées et acteurs académiques – les conditions de mise en œuvre des 21 mesures ministérielles issues d’un travail de co-construction avec plus d’une centaine de réseaux, publics et privés, nationaux et territoriaux. La concomitance avec la Commission Royale du Maroc qui définissait la stratégie de développement du Pays fut même l’occasion d’un partage d’expérience très inspirant entre Nations. Après l’évaluation du Fonds ODD 17 en 2023, le programme 2024-2026 « Réussir ensemble la territorialisation des transitions » fut ainsi mis en place avec 81 territoires pour déployer les solutions inventées ensemble depuis deux décennies.
A l’été 2024, en partenariat avec AGIRC-ARRCO, la Caisse des Dépôts, la DJEPVA et la Fondation Bettencourt Schueller, la démarche de transfert de savoir-faire acquis depuis 2006 fut donc engagée. Elle se traduisit par la création de la plateforme « Piloter l’innovation sociétale : valoriser & développer ses compétences ». Entre novembre 2024 et mai 2025, au rythme d’un module par mois, les 7 savoir-faire structurants pour piloter l’innovation sociétale furent donc partagés, illustrés et déclinés en formats pédagogiques complémentaires. Pas moins d’une plateforme numérique par savoir-faire permettent ensuite d’approfondir ses connaissances et ses compétences en fonction de ses priorités. La note stratégique « Innover en confiance » en résume le mode opératoire. Dans le chemin d’apprentissage, citons en particulier la place du parcours découverte « Qualifier son innovation sociétale » pour faire ses premiers pas, et du parcours expérientiel « Innover en territoire » pour valoriser ses pratiques.
A l’issu de ce cheminement apprenant, les 3 cercles concentriques de toute innovation sociétale sont ainsi outillés :
- Les Territoires, avec le kit pratique « Réussir ensemble les transitions »,
- Les organisations publiques et privées, avec la méthode « Impact & Trajectoires», ainsi que le rapport « Vers de nouveaux modèles socio-économiques »,
- Les femmes et les hommes qui pilotent un processus d’innovation sociétale, avec le kit pratique « Social Impact Manager : piloter l’innovation sociétale ».
Après vingt ans de recherche empirique, la boucle se boucle donc aujourd’hui avec les 22 étudiants de la promotion 2025 du programme SIM. Gageons que ces étudiants issus de profils très différents, que les deux Territoires impliqués – Paris Est Marne & Bois et Les Mureaux – et les trois partenaires – ESS France, Paris 1 Panthéon Sorbonne et Le RAMEAU – vivront chacun une expérience inédite en ce 2 juillet !
Côté théorie de l’Alliance : une nouvelle avancée significative !
C’est ce message d’espérance dans le « Pari de la confiance » que le Président-Fondateur du RAMEAU, Charles-Benoît HEIDSIECK, a tenu à porter hier à la 11ème Rencontre des pionniers des alliances en Territoire (à voir en replay, ainsi que les 10 éditions précédentes).
En tant que laboratoire de recherche empirique, l’objectif du RAMEAU n’est pas seulement d’outiller les acteurs dans leur diversité – praticiens, collectivités, institutions, académiques – c’est aussi de faire la démonstration qu’une nouvelle approche du pilotage de l’intérêt général est possible pour réussir les transitions devant nous.
Dès 2015, le rapport « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelle gouvernance » en exposait les principes et les hypothèses. Dix ans plus tard, il est possible d’éclairer les nouveaux modèles à partir de la théorie de l’Alliance décryptée et formalisée par Le RAMEAU.
Les étapes de décryptage de la théorie de l’Alliance
Le cheminement de la recherche empirique a été marqué par 4 grandes étapes structurantes avant de pouvoir formaliser le concept de « Richesse Intérieure Brute » comme annoncé lundi. Pour en comprendre le sens et la valeur, il est utile de revenir sur les 4 étapes précédentes de la reconnaissance des travaux de recherche du RAMEAU.
En 2010, c’est l’articulation entre la gestion de l’intérêt général et la co-construction du bien commun qui suscite l’intérêt. Si le premier se focalise sur les questions de légitimité et de gouvernance, le second s’attache à celles de l’action transformatrice, de son équilibre socio-économique et de sa relation avec le reste de son écosystème. Cette approche systémique – tous acteurs, tous domaines, tous territoires – capte alors l’attention de Jacques DERMAGNE, alors Président du Conseil économique, social et environnement. Il donne alors deux conseils au RAMEAU : « ne commencez pas par l’institution » et « attendez le juste temps ». C’est ainsi que la démarche « Agir ensemble en Territoire » fut conçue et initiée avec 3 Territoires pilotes – Charenton-Saint Maurice, Poitier et Strasbourg. L’objectif était d’amorcer une démarche systémique au plus près des réalités de terrain.
En 2013, deux opportunités institutionnelles montrent que le « juste temps » était arrivé pour passer à une nouvelle étape : la Ministre de la Vie associative confie au RAMEAU le co-pilotage du groupe de travail interministériel sur l’engagement des actifs d’une part, et le laboratoire de recherche empirique est invité à participer au Groupe « L’Entreprise Responsable » des Assises de l’entrepreneuriat d’autre part. Dans les deux cas, les fondements de « l’économie de l’alliance » qui (ré)concilie économie et intérêt général sont posés : l’un comme levier d’engagement au service de nos défis en « Commun(s) », l’autre comme levier stratégique pour (ré)inventer des modèles qui permettent à la fois de réduire les fragilités et de faire émerger des moteurs économiques durables et inclusifs. Dès lors, sa déclinaison se pose autour : d’un cap commun, d’une démarche apprenante pour tous et de l’invention d’un cadre juridique adapté. Dès 2015, la signature de l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable, et l’ajout d’un 17ème Objectif en une nuit, invitent à élargir le périmètre de réflexion : il ne s’agit pas seulement d’une transformation du modèle d’intérêt général en France, mais de la conduite mondiale des transitions. La nécessité d’une pédagogie d’un Cap et d’un cadre communs s’impose dès lors à tous.
En 2018, alors que se lance la 1er étude d’impact de l’ODD 17 à l’échelle d’une Nation, les Ateliers de co-construction « praticiens-chercheurs » sur les 3 impacts préqualifiés – performance, innovation et confiance – permettent de proposer une vision systémique, des Objectifs de Développement Durable à la contribution respective des Territoires, des organisations publiques & privées, ainsi que des femmes et des hommes d’engagement. Elle fut partagée lors du colloque européen de recherche Part’Inno, co-construit entre l’Université Catholique de Lyon et les Ateliers de l’entrepreneuriat humaniste. En parallèle, cette approche systémique fut au cœur du colloque « Intérêt général : dès aujourd’hui l’affaire de tous ? » où furent confrontée la diversité des pratiques de terrain. Le Cabinet du Président de la République, à l’écoute de ces résultats, permis d’enclencher la phase suivante : passer de la « preuve de concept » à l’élaboration en « Commun(s) » d’une stratégie de déploiement du mouvement d’alliance au service de l’intérêt général. L’accélération de la stratégie « Numérique & Territoires », la préfiguration de la Fondation des Territoires, l’élaboration d’une feuille de route ministérielle autour de 21 mesures co-construites, et l’élaboration de la proposition de de loi d’expérimentation du droit d’alliance d’intérêt général furent alors les quatre axes principaux de la modélisation d’un déploiement permettant d’engager chacun en fonction de son profil, de sa maturité et de ses envies d’engagement.
En 2023, fort des résultats de de la feuille de route collective, de l’étude d’impact du faire alliance en France et dans les 13 régions métropolitaines, ainsi que ceux de l’évaluation du Fonds ODD 17, trois programmes applicatifs furent menés en parallèle pour permettre d’impliquer le plus grand nombre : « Vers de nouveaux équilibres socio-économiques » sur la performance de toutes organisations publiques & privées, « Réussir ensemble la territorialisation des transitions » pour valoriser et mobiliser l’innovation au plus près des réalités locales, et « Jeunes & Territoires 2050 » pour (ré)inventer AVEC la jeunesse les trajectoires qui (re)donnent confiance dans un Avenir en « Commun(s) ». Pour accompagner le changement, la démarche prospective « Intérêt général 2050 » propose une « matrice des trajectoires » afin d’apprendre à piloter des objectifs et des temporalités différentes.
C’est aujourd’hui fort de ce cheminement que Le RAMEAU propose le concept de Richesse Intérieure Brute. Il sera détaillé dans le référentiel « Valoriser l’Action en Commun(s) » qui sera publié le 25 septembre prochain lors de la conférence au Conseil économiques, social et environnemental « Créer de la valeur en Commun(s) : quel rôle des acteurs académiques ?».
D’ici-là, pour éclairer les différentes (re)découvertes du RAMEAU sur la théorie de l’alliances, vous pouvez prendre connaissance :
- Sur l’articulation intérêt général & bien commun: du rapport « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelle gouvernance » qui en pose les principes,
- Sur la théorie de l’alliance: les 6 référentiels du RAMEAU, de 2012 à 2019 qui en incarnent les enjeux et la diversité des pratiques,
- Sur l’articulation du Cap et du cadre communs: les 6 livres publiés en Commun(s), de 2016 à 2023, pour partager la nouvelle philosophie de l’Action politique induite par l’ampleur des transitions que nous vivons,
- Sur la matrice des trajectoires: les 4 cahiers de recherche publié avec l’Institut pour la recherche de la Caisse des Dépôts qui décryptent le niveau de maturité des acteurs, par domaines d’action et territoires, bien souvent encore trop « sous les radars ».
En conclusion, ce Récit du chemin avec les « pionniers » rappelle combien en matière d’innovation seules l’épreuve et les preuves du temps sont des gages suffisants pour conduire un changement fécond qui articule cohésion des acteurs, cohérence des actions, et pérennisation des ressources. A bon entendeur salut !

