Serions-nous revenus en arrière ? En 2018, le colloque « Intérêt général dès aujourd’hui l’affaire de tous » semblait indiquer une « envie d’Agir ensemble ». Elle a été confirmée dans l’étude d’impact 2018-2022, et étayée depuis par l’étude « la Parole des jeunes en Actions » en 2023, et l’étude « Impacts & Trajectoires » réalisée auprès des élus locaux en novembre dernier. Pourtant l’actualité semble nous montrer exactement l’inverse quotidiennement… Quelles sont donc les raisons de faire (encore) le « Pari de la confiance » ?
Le dernier article du « carnet de recherche » que nous alimentons sur le blog du RAMEAU se finissait par ces mots : « Le RAMEAU sera-t-il entendu ? L’avenir seul nous le dira… mais une chose est certaine, notre laboratoire de recherche est prêt à se mobiliser pour continuer à crier l’urgence d’Agir ensemble… fusse dans le désert ! » (cf. article « Intérêt général : serons-nous (enfin) écoutés ? »). Serait-ce que notre laboratoire de recherche commencerait à perdre confiance ? Non, contre vents et marées, nous restons convaincus que la force de transformation qui traverse la France est plus grande que les risques qu’elle vit actuellement. Pourtant, ne soyons pas naïfs : à force d’attiser les peurs, prenons garde de ne pas déclencher la tempête…
L’heure est grave. Comme le dit Jean-Paul DELEVOYE, le Président de la Fondation des Territoires : « Si une Nation ne meurt jamais, elle peut se suicider ! ». La France était au bord du gouffre depuis l’été dernier. Les parlementaires ont décidé de faire un grand pas en avant ; nous précipitant ainsi dans un inconnu qui nous dépasse, et qui – plus grave encore – les dépasse. Que faire dans une démocratie lorsque les élus deviennent irresponsables ? L’immaturité politique n’a jamais été aussi grande qu’aujourd’hui alors qu’il faudrait au contraire faire face en « Commun(s) » pour inventer ensemble ce qu’aucun ne peut prétendre réussir seul. L’exigence d’humilité et la capacité de conciliation manquent cruellement.
Comme nous l’avions fait en janvier lors de la nomination de Gabriel ATTAL, puis en septembre lors de celle de Michel BARNIER, nous ne pouvons que souhaiter au Premier Ministre François BAYROU de réussir le mandat qui lui a été confié. Cependant, comment ne pas craindre que les mêmes causes ne produisent les mêmes effets ? Les élus nationaux seront-ils plus responsables devant la Nation qu’ils n’ont su l’être auparavant ? Devant l’arrogance de ceux qui la prennent en otage, quels sont les leviers de résilience ?
Une Nation est comme une famille ; lorsque la rupture est devenue trop grande, c’est à partir de la cellule de base qu’il faut prendre le temps de (re)construire la confiance. Dans une démocratie, c’est donc à partir des Territoires qu’il est possible de (re)trouver la lumière.
Un élu national se targuait récemment que le pouvoir était revenu « ici, à l’Assemblée Nationale représentant le Peuple ». L’étude Impacts & Trajectoires réalisée auprès des élus locaux montre qu’eux sont pleinement conscients de l’urgence de changer de méthode. La jouissance du pouvoir serait-elle d’autant plus grande que l’échelon territorial est large ? Une chose est certaine, les maires rappellent les enjeux de co-construire les politiques publiques afin de respecter l’intérêt général qui n’appartient à personne, et qui est une garantie d’union entre tous (cf. article « Collectivités territoriales et trajectoires de transitions »).
S’ouvrir à d’autres différents, les écouter, trouver des compromis, voilà ce dont témoignent les élus locaux pour la 4ème fois depuis 2010. Depuis lors selon eux, en 2015, 2020 puis 2024, les pratiques de coopérations territoriales n’ont cessées de croitre pour mieux répondre aux défis locaux. La co-construction du bien commun se développe localement pour s’articuler à la gestion de l’intérêt général. La dynamique est sans doute encore très fragile. Certes, mais n’est-ce pas l’un des derniers remparts contre l’obscurantisme qui se nourrit de la désespérance ?
Serions-nous condamnés à ne trouver de la sagesse qu’en Territoire ? Certes non ! Deux exemples ont marqué cette année 2024 : l’un dans le sport, l’autre dans la culture. Celui du sport est naturellement celui de l’organisation des Jeux Olympiques & Paralympiques (cf. article « En cette rentrée, inspirons-nous des JOP ! »). Après 10 ans de cheminement pour parvenir à ces résultats, nous formulions alors la question : « N’était-ce qu’une « parenthèse enchantée » ? Il ne tient qu’à nous que ce ne le soit pas ! ». Face à la suite des événements, nous pourrions croire qu’il n’y a plus d’espoir, et pourtant un second exemple nous rassure : la mobilisation de tous les talents pour rendre à Notre-Dame de Paris sa splendeur d’antan. Si en 5 ans, nous avons su rebâtir ce patrimoine historique et culturel, pourquoi ne serions-nous pas capables en 6 ans de réaliser les Objectifs de Développement Durable de l’Agenda 2030 ? Le « Pari de la confiance » ne serait-il pas aussi « fou » que les paroles d’engagement qui ont suivi le drame de l’incendie de mai 2019 ? Un nouveau drame dans l’actualité nous invite à réagir vite et bien dans ce sens : qu’allons-nous faire collectivement pour soutenir Mayotte après le passage du cyclone Chido qui a ravagé l’ile ?
Face à l’ampleur des transformations que nous vivons, et la succession de crises qui s’amplifient, qui peut encore avoir l’arrogance de dire – voire pire encore de croire – « savoir » ce qu’il faut faire ? Nous devons collectivement et individuellement revenir à la Sagesse philosophique de Socrate selon Platon : « La seule chose que je sais, c’est que je ne sais rien ». C’est l’humilité de cette sagesse qui ouvre au dialogue et à la co-construction, mais aussi à la connaissance de soi comme contributeur à un Lien « Commun(s) ».
Plus pragmatiquement, y aurait-il une source d’inspiration qui permettrait aujourd’hui d’analyser la différence autrement que par l’opposition systématique, afin d’inspirer les élus nationaux dans le pilotage de l’intérêt général ? Sans doute le paritarisme de gestion est-il une piste à creuser en ce sens. La légitimité délibérative se situe en effet « entre » la légitimité représentative et la légitimité participative. Elle est pourtant négligée. Pourquoi ne pas valoriser cette recherche de l’équilibre que savent manier les partenaires sociaux – salariés et patronaux ? N’en ont-ils pas fait la preuve en pilotant des dispositifs aussi complexes que l’ACOSS, la Caisse nationale des URSSAF qui gère la trésorerie de la Sécurité sociale ?
Le paritarisme de gestion, né en 1945, a su se développer en assumant ses responsabilités. Dès l’origine, il a pris en compte des fragilités en mettant en place une action sociale permettant de répondre à celles et ceux qui passaient entre les mailles des politiques publiques. C’est le cas par exemple de celle de la Fédération AGIRC ARRCO (cf. interview « 3 questions à … Frédérique DECHERF, Directrice de l’Action sociale AGIRC ARRCO) ».
Naturellement, il ne s’agit pas de promouvoir un modèle qui serait par nature plus vertueux. Comme tout système, le paritarisme de gestion a lui aussi ses limites. Cependant, n’est-ce pas l’articulation des différentes légitimités qui permettra d’inventer ensemble des réponses plus pertinentes ? Dans l’Esprit des Lois, Montaigne rappelle l’utilité de l’articulation des pouvoirs.
Nous avons 3 Assemblées en France, dont la 3ème est l’espace des légitimités délibératives et plus récemment participatives. Pourquoi ne pas s’appuyer sur les positions du Conseil économique, social et environnemental qui sait prendre le temps du débat ? Un exemple : le vote à l’unanimité en mai dernier de l’Avis sur le financement des associations comme urgence démocratique montre bien que la conscience est partagée sur l’impérative nécessité de changer de méthode, et d’entrer dans l’ère de la co-construction. A quand sa mise en œuvre ?