Intérêt général : serons-nous (enfin) écoutés ?

Ce mercredi 11 décembre 2024 est une journée symbolique pour Le RAMEAU. Elle marque une étape importante dans le combat de près de deux décennies pour faire (re)connaitre la valeur et la spécificité des modèles socio-économiques d’intérêt général. Remerciements le matin à un « compagnon de route » au Colloque à l’INRAE de l’UNCPIE. Appel à Agir ensemble cet après-midi au Conseil économique, social & environnemental (CESE) lors de sa session plénière « Financement des associations : comment concrétiser ? ». Retour sur deux événements au cœur de l’action de notre laboratoire de recherche empirique depuis 2006.

La semaine avait bien commencé. Le Comité de pilotage du programme « (Re)Connaissance des modèles socio-économiques d’intérêt général » a établi lundi le bilan de l’action engagée depuis 2020 sous le pilotage de la Direction de la Jeunesse, de l’Education Populaire et de la Vie Associative (DJEPVA). La question était simple : comment valoriser plus encore la capitalisation en « Commun(s) » ? Elle est incarnée par la plateforme « Trajectoires socio-économiques », et animée collectivement pour permettre à chacun de s’informer, se former et agir efficacement en matière de modèles socio-économiques d’intérêt général.

Rappelons-nous le cheminement collectif !

Le RAMEAU fête en 2024, une décennie d’un cheminement collectif pour faire (re)connaitre la valeur de ces modèles d’intérêt général. Avant cela, il lui aura fallu 7 ans de recherche empirique impulsée par l’AFM-Téléthon et la Croix Rouge Française, et plus de 250 expérimentations de terrain pour qualifier et modéliser la diversité des modèles. Ces travaux préalables sur les réalités de terrain vécues par les acteurs, actions et alliances d’intérêt général ont permis en 2014 au Mouvement associatif et au Ministère en charge de la Vie associative de les porter politiquement. Ils ont impulsé une diversité d’initiatives qui résonnent aujourd’hui : la Charte d’engagement réciproque entre l’Etat, les Collectivités territoriales, et le Mouvement associatif ; la note de position du Mouvement associatif sur les modèles socio-économiques associatifs qui avait été préparée par un collectif d’accompagnateurs associatif – le G10 – à partir des résultats de recherche du RAMEAU ; le lancement du groupe de travail « Intérêt général : nouveaux enjeux, nouvelles alliances, nouvelle gouvernance » ; le rapport interministériel sur l’engagement associatif des actifs copiloté par la DJEPVA et Le RAMEAU… Rappelons que la Grande Cause Nationale de l’année 2014 était l’engagement associatif, et qu’elle a aussi été l’année de la Loi sur l’Economie Sociale et Solidaire (ESS).

Déjà en 2014, l’urgence de (ré)investir dans les modèles d’intérêt général, et d’en valoriser les spécificités, était au cœur des débats. Depuis lors, la recherche empirique avance pas à pas, contre vents et marées, pour faire (re)connaitre la valeur intrinsèque des modèles socio-économiques d’intérêt général.  Il faudra encore attendre 7 ans de plus pour que la publication du référentiel « modèles socio-économiques d’intérêt général » ne fasse bouger les lignes. En 2019, le Secrétaire d’Etat à l’engagement, Gabriel ATTAL, déclara la nécessité de bien distinguer les modèles d’intérêt général de ceux d’utilité sociale pour ne pas réduire les acteurs d’intérêt général à de simples opérateurs de réduction des fragilités à bas coût. Dans la foulée, le Ministre lança une mission ministérielle – mobilisant plus d’une centaine de réseaux nationaux & territoriaux, publics & privés – pour donner un cadre à ce chemin collectif. Au travers de 21 mesures collectivement portées durant 3 ans, les engagements pris seront réalisés. A titre expérimental, Le Fonds ODD 17 sera mis en place pour financer l’ingénierie d’alliance à l’échelon national et territorial. 3 M€ de fonds privés y seront consacrés afin que l’acteur public puisse se positionner à partir d’un retour d’expérience objectif d’une cinquantaine d’initiatives de coopérations territoriales associant Collectivités, associations et entreprises. La quadruple évaluation de 2023 montrera que l’ingénierie de proximité est un « investissement d’intérêt général rentable ». Elle permet une création de valeur partagée, mais aussi une plus grande frugalité grâce aux synergies développées. De plus, elle rassure les partenaires publics et privés, et facilite ainsi l’accélération des alliances stratégiques. La valeur de la « catalyse territoriale » est ainsi (dé)montrée.

En parallèle de ces « preuves de concept » multiples, une proposition de Loi fut déposée en février 2021 pour expérimenter un droit d’alliance d’intérêt général. Un mois avant le dépôt de la proposition de loi, le 12 janvier 2021, le bilan des 7 ans de travaux de la démarche « Intérêt général : dès aujourd’hui l’affaire de tous ! » a été officiellement remis aux représentants de l’Assemblée Nationale, du CESE et du Haut-Commissaire au Plan, pour renforcer la démonstration de son l’utilité. Une Tribune signée par plus d’une centaine de personnalités a complété le dispositif de sensibilisation des élus nationaux à l’enjeu de donner un cadre légal aux alliances d’intérêt général qui structurent nos territoires, et incarnent concrètement le 17ème Objectif de Développement Durable (ODD). Pour étayer les preuves de l’urgence de valoriser ces démarches partenariales au plus près des réalités des engagements, la 1ère étude d’impact systémique à l’échelle de la France et de ses 13 régions métropolitaines, réalisée entre 2018 et 2022, est venue qualifier, mesurer et illustrer les effets d’un « Agir ensemble » sur la performance, l’innovation et la confiance. 4 cahiers de recherche de l’Institut pour la Recherche de la Caisse des Dépôts en feront la pédagogie afin de mobiliser les acteurs académiques.

Le Cap et le cadre communs étant clairement posés, Le RAMEAU s’attendait naïvement à ce que les institutions s’en saisissent… mais le temps institutionnel est long et complexe. De rencontres ministérielles en bilan à Matignon, de « preuves de concept » en Territoires en retours d’expériences multi-acteurs à l’échelon national et international, d’auditions parlementaires en débats participatifs de proximité, d’interventions aux Salons des maires successifs en expérimentations locales auprès des « petits & moyens » Territoires, la stratégie de conduite du changement est de porter inlassablement les messages d’une réalité de terrain trop souvent « sous les radars » alors qu’elle structure de plus en plus la réalité quotidienne de nos Actions qui permettent de faire émerger des trajectoires durables et inclusives.

Alors que Le RAMEAU commençait à croire impossible la prise de conscience politique, une lueur d’espoir est apparue en mai dernier lorsque le CESE a voté à l’unanimité l’Avis « Financement des associations : une urgence démocratique ». Outre son audition (cf. article « Une audition qui compte ! »), Le RAMEAU a eu le privilège d’organiser une session de travail entre les Rapporteurs de l’Avis – Dominique JOSEPH et Martin BOBEL – et le Comité de pilotage du programme « (Re)Connaissance des modèles socio-économiques d’intérêt général » (Cf. article « Modèles socio-économiques d’intérêt général : tous convaincus ! »). Les lignes semblaient alors pouvoir bouger… et c’est le cas ! La journée d’aujourd’hui le prouve.

Commencer par remercier les 1ers en chemin !

Parfois la synchronicité des temps est surprenante. Avant d’aller témoigner à l’invitation du CESE, le Président-Fondateur du RAMEAU, Charles-Benoît HEIDSIECK, était invité à intervenir à l’INRAE au Colloque organisé par l’UNCPIE pour valoriser les travaux de recherche « Vers une Alimentation Générale qualifiée par l’action commune en territoire ».

Sans jeu de mots : quelle mise en bouche ! Les remarquables interventions de l’INRAE et de Sol & Civilisation sont venues apporter de nouvelles preuves de la valeur des pratiques émergentes de coopération pour réussir la territorialisation des transitions. La diversité des témoignages des CPIE a illustré que dans un Cap et cadre communs clairs, il est toujours possible de choisir de multiples chemins selon le « 1er kilomètre des besoins ».

Le RAMEAU a rappelé que l’UNCPIE a été le 1er réseau associatif à se saisir, dès 2010, des travaux de recherche empirique sur les modèles socio-économiques d’intérêt général. Il en a été l’ambassadeur auprès du Mouvement associatif, l’a expérimenté lui-même, et en a témoigné lors des travaux du « G10 » associatif, avant de développer en 2016 la 1ère plateforme pédagogique à destination des associations de terrain dont le FONJEP s’est inspiré pour lancer ses propres travaux de recherche sur les modèles des associations d’éducation populaire. C’est sur cette base qu’il sera conjointement décidé avec le Ministère en charge de la Vie associative d’élargir la plateforme de capitalisation et d’accompagnement des acteurs, actions et alliances d’intérêt général. En octobre 2023, c’est la Ministre de la Jeunesse et de la Vie Associative elle-même qui lancera la plateforme « Trajectoires socio-économiques ». Belle reconnaissance de la valeur du travail en « Commun(s) ».

« Agir ensemble », beaucoup en parle, peu le font réellement en pratiques ! La co-construction se limite bien souvent à l’invitation à contribuer à SON projet, et non à inventer ensemble ce qu’aucun des partenaires ne saurait faire seul. L’UNCPIE au contraire a su prouver depuis 14 ans son engagement à faire alliance. Est-ce parce qu’il a fêté ses 60 ans de combat pour faire reconnaitre l’urgence de prendre en compte les enjeux environnementaux, et que l’expérience rend sage et moins arrogant ? Est-ce parce que ce Réseau a su changer – par trois fois – de mission au cours de son cheminement : de l’éducation à l’environnement à l’accompagnement des initiatives innovantes, puis de l’articulation des initiatives citoyennes et publiques vers de véritables Projets de Territoire pour faire face à l’ampleur des transitions ? Est-ce parce que le contact avec la nature et le prendre soin des femmes & des hommes sont consubstantiels à l’ADN de l’UNCPIE ? … Une chose est certaine, ce Réseau – trop méconnu – est un réel éclaireur des trajectoires socio-économiques durables et inclusives qui s’inventent chaque jour selon les « plateformes d’acteurs et d’actions » de chaque territoire.

Réussir à respecter l’identité de chacun dans un Projet collectif : n’est-ce pas là tout simplement le Sens profond de « l’équilibre de la Maison » auquel appellent les modèles socio-économiques d’intérêt général ? Cet équilibre doit se traduire à la fois dans le respect de la diversité des richesses humaines engagées, dans la capacité à mobiliser les ressources financières nécessaires à l’Action, et dans l’ouverture à de nouvelles alliances pour accélérer le rythme des transitions tout en respectant celui de chacun. Facile à dire, complexe à faire…

Témoigner des bonnes nouvelles des Territoires !

Comment dans ces conditions, ne pas se sentir responsable de porter un message d’Espérance auprès du CESE cet après-midi. Certes la situation est difficile, mais elle doit justement être l’occasion de faire front commun à partir du « 1er kilomètre des besoins », au plus près des Territoires. Loin des analyses partisanes et des postures, comment ouvrir un dialogue fécond et apaisé sur un sujet aussi central pour toute démocratie que celle de protéger et d’amplifier l’engagement d’intérêt général ? Comment valoriser la diversité de ces engagements et des légitimités pour les (re)connaitre ?

Le Président-Fondateur du RAMEAU, Charles-Benoît HEIDSIECK, en a proposé une méthode lors de son allocution :

« Innovons ! Investissons en « Commun(s) » dans l’intérêt général… L’Avis « Financement des associations : une urgence démocratique » peut se résumer en 3 verbes d’Action : Rassurer, Faire alliance et Territorialiser.

  • RASSURER: La prise de conscience est là ! Durant deux décennies, nous avons confondu engagement d’intérêt général et opérateur d’utilité sociale. Conscient de cette erreur, il n’est pas trop tard pour définir des trajectoires durables et inclusives.
  • FAIRE ALLIANCE: Ne réinventons pas la roue en permanence ! Soyons concrets et réalistes. La plateforme « Trajectoires socio-économiques », copilotée avec la DJEPVA, permet de capitaliser les pratiques émergentes. Elle est au service des territoires.
  • TERRITORIALISER: Le Territoire incarne à la fois « l’intérêt général à portée de main », les lieux d’expérimentations propices à l’innovation, et les espaces de confiance pour dépasser « l’entre-soi » et prendre le risque de « l’entre tous ». L’étude réalisée auprès des maires montre que déjà 42% de nos Territoires sont dans cette dynamique.

Vous pouvez compter sur la recherche empirique du RAMEAU pour valoriser la diversité des modes de faire au plus près des besoins, des fragilités et des envies d’engagement. Le défi est simple : (re)inventer un Lien « Commun(s) » et une humanité durable. Merci pour votre écoute. Ensemble, co-construisons demain ! ».

Une minute trente, c’est court pour rendre compte du « Pari de la confiance » issu de 18 ans de recherche au plus près des acteurs… mais c’est déjà l’opportunité « d’allumer une petite lanterne plutôt que de maudire l’obscurité ». Que le CESE soit remercié pour cet élan qu’il impulse.

Dès le 19 décembre prochain, de 13h à 14h30, lors du 43ème webinaire mensuel du cycle « Vers de nouveaux équilibres socio-économiques », il partagera le module de valorisation des pratiques et de développement des compétences « Impacts & Trajectoires ». Co-élaborée depuis trois ans, et testée en accès libre depuis trois mois, cette démarche apprenante permet de définir une trajectoire durable et inclusive. Elle s’inscrit dans la continuité du module « Savoir le situer dans un monde en mutation », mis en ligne le mois dernier sur la plateforme « Piloter l’innovation sociétale : valoriser et développer vos compétences ». Le thème « Cap 2030 vers l’ODD 10, investir pour réduire les inégalités entre les Territoires » est propice à ce lancement. L’objectif est clair : contribuer activement à accélérer la territorialisation des transitions. Inscrivez-vous au webinaire pour en bénéficier en avant-première !

Le RAMEAU sera-t-il entendu ? L’avenir seul nous le dira… mais une chose est certaine, notre laboratoire de recherche est prêt à se mobiliser pour continuer à crier l’urgence d’Agir ensemble… fusse dans le désert !