Modèles socio-économiques : Ré-Armer les Territoires

Quel est donc le lien entre la Transformation des modèles socio-économiques de toutes organisations publiques & privées avec l’importance d’investir dans l’ingénierie territoriale ? Le récit du carnet de recherche de cette semaine nous en donne un éclairage intéressant.

« Ré-Armer les Territoires », c’est le thème du 3ème volet du cycle « l’économie de l’alliance » de la Newsletter du RAMEAU qui a été publiée cette semaine. C’est aussi clairement une référence au discours de Politique Générale du Premier Ministre à son arrivée à Matignon. Il s’agit d’un changement de posture de l’Etat que la Ministre Jacqueline GOURAULT a rappelé lors de la 6ème Rencontre des pionniers des alliances en Territoire en juillet dernier (à voir en replay). Elle l’a très symboliquement nommé « l’Etat Jardinier ». C’est un virage important ! Ceux qui ont eu la chance de participer à la 1ère Conférence Nationale des Territoire en juillet 2017 se souviennent que cette impulsion n’est pas nouvelle dans son intention. Côté réalisation et passage à l’action, certains diront que cette inflexion n’est pas visible ; mais qui peut prétendre entendre le « chant du Loup » d’un porte-avion en pleine mer ? Qui peut sérieusement croire qu’il est possible de changer 200 ans de pratiques « jacobines » en quelques semaines, ni même en quelques mois ? Facile à dire, moins facile à faire. Qui peut prétendre qu’il saurait faire mieux ou plus vite ? Alors oui, tous ceux qui croient en la Démocratie se doivent d’aider résolument les institutions à faire leur mue ! C’est le fondement même du contrat social qu’incarne l’intérêt général. Oui, mais comment faire ? Loin des « y-a qu’à » « faut qu’on », nous devons collectivement nous atteler à la tâche de « Ré-Armer les Territoires ». C’est là où l’intérêt général s’incarne, là où il est à portée de main et d’action… si les acteurs locaux acceptent de « jouer collectif » avec des règles du jeu et du « je » qui permettent d’assurer une cohésion et une cohérence nationale. La Nation se co-construit sur les Territoires, mais doit faire confiance au « national » pour en assurer le « juste » arbitrage.

Cette éternelle tension entre « Territoires » et « National » a pris bien des formes dans notre histoire de France. Comment faire des tensions actuelles une source d’élan collectif plutôt que de désespérance individuelle face à l’incapacité d’agir ? Comment transformer les défiances en Confiance ? Comment laisser s’exprimer les dissensus pour mieux définir ensemble la façon de les dépasser ? Comment sortir des mythes qu’ils soient béats ou au contraire autodestructeurs ?… Tel fut le questionnement passionnant (… et passionné !) de la 3ème session du Conseil de création de la Fondation des Territoires. Sous l’égide habile de la facilitation stratégique de Sol et Civilisation, la réflexion sur la tension entre le « macro » garant de l’unité et le « micro » riche de ses diversités qui fondent la richesse et les talents de notre pays n’a pas fini d’alimenter les débats. Comment articuler les 3 leviers d’activation de l’intérêt général : la Vision partagée, la Gestion régulatrice et l’Action collective transformatrice ? Une chose est certaine : c’est à partir des Territoires que s’inventeront les solutions d’avenir !

Pour y parvenir, chaque organisation publique et privée doit apprendre à piloter la complexité des articulations entre Vision, Action et Gestion. C’est ce qu’a rappelé le 7ème webinaire sur les modèles socio-économiques d’intérêt général. Les témoignages ont été inspirants. Celui de la Croix Rouge a été particulièrement éclairant sur les apports d’un travail d’analyse rigoureux et pragmatiques des impacts des expérimentations innovantes sur chacun des leviers de tout modèle : les richesses humaines, les ressources financières et les alliances stratégiques.

Là encore, ce sont les Territoires qui en parlent le mieux ! Que ce soit le séminaire « Quelles approches coopératives pour faire territoire durablement ? » remarquablement organisé par F3E le 13 avril, le passionnant échange mercredi soir avec le projet « Notre marché, la place de marché durable et responsable de Lyon et sa région » qui (dé)montre la fertilité créatrice des Territoires, ou les enseignements du travail d’élaboration de la note sur l’ODD 17 impulsé par le Comité 21 dont le 5ème Comité de pilotage était ce matin, les illustrations de l’invention de nouveaux « équilibres de la maison » sont nombreuses. De l’international au local, et du local à l’international, il est aujourd’hui possible de faire la preuve du continuum possible, et de la cohérence entre le foisonnement des initiatives locales et le cadre commun de référence que représente l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable.

Pour aider les Territoires, chacun doit faire « sa part ». Peu importe qu’elle soit grande ou petite car dans l’édifice commun, chaque pierre compte… et c’est parfois les plus petites qui peuvent combler un « petit trou » qui laisse passer l’air… et donc l’énergie ! Après le kit pratique « Connaissance des Dynamiques Territoriales » pour partager les données permettant de comprendre les alliances à l’œuvre, c’est le Parcours A.D.O.C. « modèles socio-économiques » qui a été publié cette semaine pour permettre à chacun d’avoir les outils pour agir sur « l’équilibre de sa maison ». Loin des « boites à outils » standardisées, l’enjeu est de permettre à chacun – à partir de son autodiagnostic – de définir son propre parcours d’outils pour s’informer, se former et agir efficacement. Là encore, ce sont les Territoires qui en parlent le mieux, d’où l’enjeu de passer par les réseaux sectoriels et territoriaux pour leur en faciliter l’accès.

Pour finir cette semaine dédiée aux modèles socio-économiques, un éclairage sur les travaux de modélisation en cours. Après avoir travaillé sur la valorisation des modèles socio-économiques d’intérêt général (cf. référentiel dédié), puis sur la comparaison entre les modèles de l’économie de l’engagement, des services publics et des acteurs de l’Enseignement Supérieur & de la Recherche (cf. Newsletter de mars 2021 sur l’ESR), Le RAMEAU travaille actuellement sur la modélisation des modèles socio-économiques des Territoires à partir de 3 axes : la capitalisation du savoir, la digitalisation des solutions et l’accès à la compétence de proximité. C’est dans cette alchimie que se joue la capacité d’articuler création de valeur et frugalité pour répondre à l’équation insoluble de l’accroissement exponentiel des fragilités face à la raréfaction des ressources. Les nouveaux modèles écosystémiques sont sources d’un potentiel encore peu investigué. Notre laboratoire de recherche empirique aura l’occasion d’en partager les premiers résultats le 12 juillet prochain, à l’occasion de la 7ème Rencontre des pionniers des alliances en Territoire dont le thème cette année est « l’économie de l’alliance ». Les premiers retours des investissements du Fonds ODD 17 permettront aussi d’éclairer très concrètement pourquoi la « prime à l’alliance » est facteur de démultiplication des engagements. Affaire à suivre….

Après la Vision qui a été illustrée la semaine dernière au travers des exemples tant du côté des acteurs publics (voir blog sur l’élaboration des Projets de Territoires avec l’ANPP) que du côté des acteurs privés (voir blog sur l’engagement sectoriel des TPE – PME de la Fédération des Entreprises de Propreté), cette semaine était dédiée à l’Action. Au cœur de la capacité d’agir se trouve « l’équilibre de la maison » ; autrement dit le modèle socio-économique sur lequel repose la mobilisation des ressources et la pérennisation des activités engagées pour répondre au Projet d’une organisation. La semaine prochaine nous aborderons la diversité des outils de gestion pour piloter les changements induits. Bon week-end !

Charles-Benoît HEIDSIECK, Président-Fondateur du RAMEAU