Ce matin même, malgré la crise actuelle, le séminaire de la Commission Spéciale pour un Modèle de Développement au Maroc (http://www.maroc.ma/fr/actualites/debut-des-travaux-de-la-commission-speciale-sur-le-modele-de-developpement) a pu se tenir à distance. Cette Commission a été mise en place en fin d’année dernière par S.M. le Roi Mohammed VI pour éclairer le pays sur les conditions d’un développement durable et inclusif. Plus que jamais dans le contexte actuel, la réflexion prospective est indispensable pour préparer dès aujourd’hui l’après crise en nous donnant les moyens d’être à l’écoute des émergences et de co-construire des solutions adaptées à l’ampleur des enjeux. Pour pAnser le monde, nous devons savoir le pEnser !
Une délégation de la Commission Spéciale était venue participer à la Journée de (re)découverte des dynamiques de co-construction en France (voir le blog « 4/02 une journée inspirante »), organisée le 4 février dernier par le Collectif « l’intérêt général : dès aujourd’hui l’affaire de tous » (lien vers le dossier JURIS Associations) dans le cadre de la mission ministérielle sur l’accélération des alliances stratégiques (lien vers la note de cadrage). En retour, Le RAMEAU a été très heureux d’être invité à témoigner de la dynamique de co-construction à l’œuvre sur les territoires en France.
Les présentations et les débats ont permis de croiser le regard de 3 méthodes complémentaires pour co-construire des solutions au plus près des besoins :
- Les démarches d’émergence issues de la résilience de communautés locales : incarnées par l’exemple de la commune rurale de Tizi N’Oucheg au Maroc et plus largement par les retours d’expériences capitalisés par le Réseau Open Village, la mobilisation de citoyens permet de faire émerger des réponses non seulement fondées sur les richesses locales et sur les besoins spécifiques du territoire, mais aussi – et surtout – en fonction des envies et des engagements de chacun. En ne faisant pas à leur place, en leur laissant prendre leurs décisions en toute autonomie, et en ne finançant pas leurs actions, l’ingénierie de « fécondation » du territoire apporte des résultats concrets grâce à une méthode de facilitation adaptée. La démarche portée par le Collectif « Pour un Maroc des émergences » et modélisée par le Transilience Institute est particulièrement éclairante sur les conditions de succès et l’architecture à mettre en œuvre pour déployer une capacité de soutenir ces dynamiques locales.
- Les démarches issues des acteurs de l’économie sociale & solidaire : le témoignage de Mondragon, l’une des plus grosses coopératives mondiales (1ère entreprise du Pays Basque et dans le Top 10 des entreprises espagnoles) a été éclairant sur les spécificités du modèle coopératif pour créer de la valeur et la réinvestir notamment au travers d’un lien très étroit avec les acteurs académiques pour capitaliser et partager le savoir acquis. Tout comme en France, la Loi en Espagne et en Europe ont été des accélérateurs pour démultiplier ces profils d’acteurs économiques, complémentaires aux autres organisations de l’écosystème.
- Les démarches d’alliances innovantes entre acteurs riches de leurs différences : dans son intervention, Charles-Benoît HEIDSIECK, Président-Fondateur du RAMEAU, a insisté sur la valeur ajoutée créée par les coopérations entre « univers » traditionnellement en silo. C’est un levier d’innovation ; une forme de R&D sociétale utile pour tous les acteurs de l’écosystème. Pour y parvenir, la place des territoires est au cœur de la dynamique car ce sont les lieux d’expérimentations au plus près des besoins, mais aussi des capacités de chacun à « faire alliance ». Pour cela le rôle des « catalyseurs territoriaux » (lien vers page dédiée de la plateforme ITA) est structurant. Le rôle de « médiateur » entre les mondes est plus que jamais d’actualité. « Qu’en sera-t-il dans le contexte de l’après crise ? ». La question d’un des membres de la Commission est au centre des préoccupations du RAMEAU qui fait son possible pour activer les réseaux et les moyens nécessaires afin que le mouvement de co-construction du bien commun soit non seulement préservé, mais plus encore un levier efficace de (re)construction.
A l’issue de cette très riche matinée d’échanges, le plus intéressant à constater est la convergence des résultats des différentes méthodes, ainsi que la similitude entre les facteurs clés de succès. Une fois encore, l’enseignement majeur de la session est que plutôt que de chercher une solution unique qui serait plus performance, nous devons éclairer la diversité de solutions pour être plus pertinent selon les contextes, les besoins… et les envies des acteurs à impliquer. Ce changement de paradigme est au cœur de la transformation à l’œuvre.
Dans un temps de crise et d’urgence, certains pourraient s’étonner que cette Commission ait été maintenue, et considérer que cette prise de recul n’est pas de circonstance. Bien au contraire, face à l’ampleur des défis qui nous attendent à la sortie de cette crise inédite, nous devons plus que jamais croiser les regards et être force de proposition pour ensuite être en mesure rapidement de rebondir, de reconstruire et de… co-construire le bien commun. Il ne faut donc pas choisir entre urgence et (re)développement, nous sommes condamnés à mener les deux de front si nous ne voulons pas que la reprise soit pire que l’avant crise. L’avenir se joue maintenant !
Il nous faudra du temps, mais nous ne partons pas d’une « feuille blanche ». La session de ce matin le prouve. Bien au contraire, nous arrivons aujourd’hui à pleine maturité de cheminement qui pour certains ont mis plusieurs décennies avant d’être reconnues. Mais n’est ce pas là le propre de l’innovation ? C’est comme en matière de jardinage, lorsque le fruit est mûr qu’il peut être apprécié.
Il est rassurant de voir que le cheminement de la Commission Spéciale mise en place par le Roi du Maroc en décembre 2019 est assez proche de celui de la mission ministérielle lancée par le Secrétaire d’Etat à l’engagement en octobre dernier. Au-delà des différences de nos deux pays, il y a bien un Lien commun. Ne serait-ce pas là une illustration pratique de l’ODD 17 des Objectifs de Développement Durable ? Celui-ci a été identifié dès 2015 par les Nations Unis comme une condition de réussite pour relever nos défis communs. Réjouissons-nous dans l’obscurité que nous vivons de la « petite lanterne » qui a été allumé ce matin, et gageons qu’elle est un signe d’espoir pour nous inciter à commencer dès aujourd’hui à pEnser à demain ?
Avant de finir, je voudrais avoir une pensée particulière pour tous ceux qui nous aident à pAnser aujourd’hui. Qu’ils soient chaleureusement remercié(e)s de leur engagement, et assuré(e)s que plus que jamais nous sommes à leur côté dans ces moments particulièrement difficiles.
Pour aller plus loin, téléchargez le support de présentation du RAMEAU « Eclairage sur la dynamique de co-construction territoriale en France ».