A l’occasion de l’Assemblée Générale du Comité 21 le 20 juin dernier, la table ronde prospective a parfaitement posé le décor de la situation actuelle : « (Se) Transformer ou s’éteindre ». Bettina LAVILLE, Présidente-fondatrice du Comité 21, a souligné qu’il ne pouvait s’agit d’une simple transition, mais plus profondément d’une « Grande Transformation » sur laquelle réfléchit le Comité de prospective du Comité 21. En attendant le rapport qui sera publié en fin d’année, la table ronde a permis de débattre des premières conclusions.
En introduction, l’économiste Philippe DESSERTINE a rappelé l’urgence parfaitement décrite dans le cadre collectif des ODD. Si 3 mois après leur signature, les résultats de la COP 21 pouvaient donner le sentiment d’une rapide prise en compte des enjeux avec l’Accord de Paris de décembre 2015, 3 ans et demi après, il devient urgent d’accélérer le rythme. Pour cela, il appelle à un investissement massif, public et privé. La prise de conscience est là, mais elle doit se traduire dans les modèles économiques. Des exemples, tels que l’émission de Green Bonds pour financer l’économie verte, vont dans le bon sens … mais ne représentent que 50 milliards d’euros là où les besoins sont estimés à 3 ou 4.000 milliards d’euros. La Transformation que nous vivons est aussi grande qu’à la Renaissance ou lors de la 1ére Révolution Industrielle. Nous n’en sommes actuellement qu’à la « 1ére ligne de chemin de fer » ; ce n’est que le début d’un mouvement profondément transformateur.
La diplomatie climatique est la priorité selon Amy DAHAN, mathématicienne et directrice de recherche émérite du CNRS. Elle a partagé sa conviction qu’en effet la Transformation avait commencé … mais que nous étions dans une course de vitesse que nous n’étions pas certains de gagner. Les écarts se creusent. Selon elle, si les ODD sont une « capsule » intéressante, ils ne mobilisent pas suffisamment aujourd’hui. En France, nous sommes très en retard puisque nous n’annoncerons la « Feuille de Route » qu’en septembre. De plus, d’un point de vue géopolitique, le multilatéralisme est en questionnement entre les Etats-Unis qui s’en retirent, et la Chine qui s’inscrit comme leader du climat, mais comme levier d’une compétition industrielle et économique. A la question de Bettina LAVILLE : « les ODD ne sont-ils pas la face lumineuse de la mondialisation ? », la réponse est claire « encore faudrait-il que les politiques Français s’en saisissent ! »
C’est ensuite Charles-Benoît HEIDSIECK, Président-fondateur du RAMEAU, qui est intervenu avec cette question : « le monde est-il en feu ou chrysalide devient-elle papillon ? ». Pour éclairer ses propos, il a invité à observer le temps long dont il tire 3 enseignements :
- Si l’Homme oublie l’écosystème dans lequel il évolue, il disparaît. Les Viking, les habitants de l’île de Pâques en sont des exemples ;
- De tout temps, l’Homme a inventé les outils dont il avait besoin ; mais la question est de donner du sens à l’outil avant de pouvoir le déployer,
- Tous les 500 ans, notre modèle de société se regénère entièrement après 4 phases de 120 ans. Nous y sommes, et la première phase a déjà débuté depuis 80 ans. Nous sommes donc en capacité de (ré)inventer le nouveau cycle si nous nous en donnons les moyens au travers d’une vision systémique.
Les ODD sont le cadre systémique dont nous avons besoin car ils rappellent à la fois la nécessité d’articuler les domaines (économiques, sociaux, environnementaux et sociétaux), de mobiliser tous les acteurs (publics, économiques, associatifs, académiques et « pouvoir d’agir des individus ») et d’assurer une cohérence avec les besoins des territoires dont la diversité est une force collective. C’est sur les territoires que s’inventent depuis des années une multitude de solutions dont nous devons prendre conscience collectivement pour insuffler l’engagement.
Selon Charles-Benoît HEIDSIECK, la question devient alors : « Que souhaitons-nous porter collectivement : la désespérance de la fin d’un monde ou l’espérance d’un nouvel enfantement ? » Après 14 ans d’observation de terrain, Le RAMEAU invite résolument à faire « le pari de la confiance ».
Prenant ensuite la parole, Francis JUTAND, Directeur général adjoint de l’Institut Mines Télécom, auteur de « La métamorphose numérique », a expliqué pourquoi le numérique n’était pas une « simple » innovation de rupture à évolution lente, mais une innovation « mère » à changement d’état rapide. La métamorphe entraîne un effet « avalanche » qui transforme l’imaginaire. C’est à partir de ce nouvel imaginaire qu’il est possible de penser le changement. En synthèse, le « mythe » sur lequel il repose est le partage de la ressource, sa « valeur mère » est la coopération, son « système de régulation » est le commun, et son « sens » est la co-évolution territoire / technologie / intelligence artificielle / vivant.
Loin de s’opposer, ces 3 points de vue sur l’urgence climatique, sur le « pari de la confiance » et sur la métamorphose numérique ont donné lieu à un débat passionnant avec la salle.
Tous ces travaux seront repris dans le rapport du Comité de prospective sur la « Grande Transformation ». Affaire à suivre donc !