La modélisation économique, 3ème pilier de la valorisation

Capitaliser est le socle de toute innovation. Il convient ensuite de l’évaluer pour en comprendre les forces et les limites. La « preuve de concept » établie, la 3éme étape est d’en modéliser la valeur économique.

Qu’est-ce que la modélisation économique ? Sachons prendre du recul, ne nous trompons pas de combat, et identifions comment aller plus loin.

Prenons du recul sur la modélisation économique

En 2009, 3 ans après la création du RAMEAU, deux de ses partenaires associatifs le questionnent sur leur modèle économique. L’un sur celui de l’innovation avec l’AFM-Téléthon pour réussir le « grand virage du traitement », l’autre sur celui de la pérennisation des activités avec la Croix Rouge française. Le RAMEAU s’est beaucoup appuyé sur l’exemple de l’AFM-Téléthon pour expliquer la force du « jouer collectif » en matière d’innovation sociétale (cf. blog : « L’AFM-Téléthon, symbole du jouer collectif en France », Le livre blanc de l’innovation associative & le guide « L’investissement sociétal en actions ! »).

Attachons-nous aujourd’hui à l’exemple de la Croix Rouge française tout aussi passionnant. Il illustre la question de l’hybridation des modèles. Comment garder l’équilibre lorsque la structure pilote 80 métiers autour d’une trentaine de modèles socio-économiques qui s’articulent au sein de la même organisation ? Lorsque le Directeur Général de la Croix Rouge française est venu questionner Le RAMEAU en 2009, l’objectif était clair : comment sécuriser « l’équilibre de la Maison » ? Loin des images d’Epinal et de la confusion avec l’outil financier, tel est bien le sens de l’économie : trouver l’équilibre pour disposer des ressources nécessaires à la réalisation de son Projet de manière pérenne.

Dès 2010, le concept de modèle socio-économique est posé. Il repose sur 3 piliers : les richesses humaines, les ressources financières et les alliances stratégiques. Cette conception d’une notion multifacette fera l’objet d’une mise en débat de 2010 à 2013, d’une prise de position « politique » du Mouvement associatif en 2014, de nombreuses expérimentations entre 2015 et 2018 pour tester ses déclinaisons par domaines, par acteurs et par territoires, puis d’une modélisation en 2019 au travers de deux outils de partage des connaissances : le référentiel « Modèles socio-économiques d’intérêt général » publié chez JURIS Associations, et le MOOC « Nouveaux modèles économiques associatifs », réalisé avec l’ESSEC.

Ces deux outils seront inaugurés lors du Forum Mondial Convergences de septembre 2019. A cette occasion, le Secrétaire d’Etat à l’Engagement, Gabriel ATTAL, réaffirmera l’importance de distinguer les modèles socio-économiques d’intérêt général de ceux d’utilité sociale dans un discours qui marque une nouvelle ère. Il ne s’agit plus en effet de chercher Le modèle le plus Performant, mais d’articuler une diversité de modèles en valorisant LES modèles qui forment ensemble une réponse plus Pertinente. C’est un changement de paradigme autant qu’un changement de regard. Il se traduit sur les 3 leviers de tout modèle : les richesses humaines, les ressources financières et les alliances stratégiques.

Les 3 leviers du modèle socio-économique 

Ne nous trompons pas de combat !

La question des modèles socio-économiques ne se limite pas à celle de la diversification des financements. Plus encore, la question de l’hybridation des modèles n’est pas celle d’une multiplication des leviers qui seraient à l’usage de tous, mais bien de l’invention collective d’une capacité à s’allier entre « mondes » de profils différents telle qu’elle est définie dès 2013 dans le rapport au Gouvernement « L’Entreprise Responsable » à l’occasion des Assises de l’Entrepreneuriat. « L’équilibre de la Maison commune » passera par un « Agir ensemble » qui débute par identifier, connaître et articuler les différences entre les acteurs de l’écosystème.

Se connaître, c’est pouvoir faire le « pari de la confiance » que les différences permettront d’inventer ensemble ce qu’aucun seul ne peut parvenir à faire. Ce qui est vrai pour les solutions, l’est plus encore pour les chaînes de valeur, mais aussi pour les modèles socio-économiques. Au moment où nous devons répondre à l’effet ciseau de l’accroissement des besoins sociétaux et de la raréfaction de certaines ressources, la création de valeur et la frugalité deviennent les deux faces de la même pièce.

La première étape pour transformer son propre modèle est de comprendre et connaître la diversité de ceux qui structurent notre écosystème. Les travaux de recherche empirique du RAMEAU ont permis de modéliser non seulement les spécificités des 7 modèles de l’écosystème structurel français, mais aussi leurs articulations. En partant des plus complexes d’entre eux, ceux de l’économie de l’engagement (associations d’intérêt général et fondations), il est possible d’établir les liens dont la valeur est encore trop peu souvent analysée.

Vision systémique des modèles socio-économiques

Schéma

Afin de favoriser l’appropriation de la diversité de ces modèles, Le RAMEAU a lancé le programme (Re)Connaissance des modèles socio-économiques d’intérêt général pour en (re)découvrir les spécificités et la valeur. D’octobre 2020 à octobre 2021, de multiples formats permettent de mettre en débat la connaissance acquise durant 15 ans pour la transformer en compétences pour Agir dès aujourd’hui.

Modélisation économique … et après ? Investissons !

Il ne suffit pas de comprendre la diversité des modèles de l’écosystème, encore faut-il investir dans l’innovation que constitue l’hybridation des modèles et garantir un « jouer collectif » mutuellement enrichissant. Nous avons abordé dans le précèdent « carnet de recherche » l’importance de l’évaluation. C’est sur cette base qu’il convient d’en modéliser l’économie, tant en termes de création de valeur que de frugalité. Pour valoriser notre capacité collective à co-construire des solutions, il convient d’investir dans chacun des 3 leviers d’un modèle socio-économique.

Côté Richesses Humaines, il est essentiel d’investir dans les compétences à la fois pour piloter et accompagner le « jouer collectif ». Sans compétences, pas d’actions. Une attention particulière doit être apportée aux deux « extrémités » de la chaîne de valeur de la co-construction : à la racine, lors des démarches de co-construction territoriale, aux fruits, lors du déploiement des innovations sociétales. Aux racines, il s’agit des 350 « catalyseurs territoriaux » du Réseau des pionniers des alliances en Territoire, lancé en 2014, pour valoriser la 3ème ingénierie territoriale : celle des liens entre les acteurs locaux (aux côtés de celle de gestion et de celle de management de projet territoriaux). Sur les fruits, soulignons la démarche de co-construction du Fonds i, pour mutualiser une capacité à accompagner le déploiement des projets d’innovation sociétale à très fort impact… que nous savons encore mal accompagner aujourd’hui (cf. blog : « L’AFM-Téléthon, symbole du jouer collectif en France »).

Côté financement, il est indispensable d’investir dans l’ingénierie d’alliance d’intérêt général, et de faire émerger une « prime à l’alliance » pour valoriser ceux qui choisissent d’Agir ensemble plutôt que de faire seul. C’est le sens du Fonds ODD 17 qui a été lancé le 23 novembre dernier lors du 3éme dîner élus & entreprises (lancement à voir en replay). La Fondation Total et Le RAMEAU sont convaincus qu’il y a là de nombreuses sources d’innovation et de pistes à investiguer pour le financement du « faire alliance ».

Côté alliances stratégiques, comme l’a rappelé le blog du 3 mai « Une semaine pas comme les autres », les 18 derniers mois ont permis de mobiliser les réseaux de praticiens, les institutions et les acteurs académiques dans le cadre de la « feuille de route » ministérielle. Le « carnet de recherche » de la semaine du 26 au 30 avril, qui concluait un mois de pédagogie sur le « faire alliance » (cf. article CARENews du 3 mai « Relire, Relier et (Ré)Inventer le jouer collectif ») a aussi souligné l’importance des médias. Le blog du 27 avril « Merci aux médias d’information positive » a rendu en particulier hommage à ceux qui valorisent déjà les exemples de co-construction du bien commun. Du côté de ces alliances stratégiques pour valoriser ensemble le « faire alliance » non n’en sommes qu’aux prémices… mais ils sont prometteurs ! C’est en effet ce qui incarne l’ODD 17 en pratique telle que l’invite à le faire l’Agenda 2030 des Objectifs de Développement Durable.

Que ce soit en matière de richesses humaines, de financements ou d’alliances stratégiques, il est urgent d’investir dans le « faire alliance » pour répondre aux attentes des  81% des Français qui réclament un « devoir d’alliance », des 92% des maires qui reconnaissent un « besoin d’alliance » et aux 84% des entreprises qui déclarent une « envie d’alliance ». Puisqu’un consensus apparaît aujourd’hui sur les enjeux du « faire alliance », il nous faut collectivement investir sur les solutions qui permettent d’« Agir ensemble » ! Loin des « discours magiques » et des « boîtes à outils miracles », nous devons chacun investir aujourd’hui dans ce « jouer collectif » qui crée de la valeur pour tous et une utilité pour chacun. C’est cela « l’équilibre de la maison »… c’est cela l’Economie !